Chris Toran, Ellya tome 1

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Chris Toran, Ellya tome 1 gratuit

Résumé :

Ellya est une jeune femme vivant dans une petite ville, à environ quatre cents kilomètres
de New York, non loin de Portland. Elle y mène une petite vie tranquille d’agent immobilier,
jusqu’au jour où, subitement, un drame va venir perturber sa vie pour toujours.

La mort subite et inattendue de quelqu’un de proche, qui lui est cher, va provoquer
des remises en questions importantes, qui vont transformer sa vie professionnelle et amoureuse.

Ellya a déjà connu le grand amour dans sa vie, il y a de cela plusieurs années.
Alors qu’elle est toujours célibataire, malgré les autres aventures qu’elle a eues,
l’amour de sa vie va refaire surface après des années de cruelle séparation,
et elle se rend compte qu’elle est toujours autant attirée par lui.

Découvrez les aventures extraordinaires de cette femme, qui décide de changer de vie,
afin de découvrir la vérité sur la mort mystérieuse de sa meilleure amie et, également,
afin de protéger ses proches.

Mais l’amour et le plaisir auront-ils encore une place dans sa vie de jeune femme ?
Réussira-t-elle à trouver un équilibre au milieu de tous ces changements ?
Découvrez, avec le tome 1, comment tout a commencé pour Ellya !

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Tania et moi, premier bouleversement !

A 11 ans, ma vie bascula…

Bien que je sois allée au lit à trois heures du matin et qu’il ne soit que six heures
actuellement, je suis réveillée et je n’arriverai certainement pas à me
rendormir après ce que j’ai vécu hier. J’ai fait un rêve, que j’ai déjà oublié,
mais qui m’a fait me réveiller dans un état mélancolique. Après quelques
minutes, toujours couchée dans mon lit, avec une jambe par-dessus mon duvet,
l’autre dessous, comme pour ressentir à la fois la chaleur de mon lit et la
fraîcheur du matin qui entre par la fenêtre ouverte, je commençai à laisser mon
esprit m’emmener dans toutes sortes de pensées, par toujours cohérentes, si on
les prend les unes après les autres. Puis, tout à coup, tout se figea. Je me
rappelai la tragédie de la veille et je n’avais plus qu’une chose en
tête : cette fameuse journée, où tout bascula pour la première fois.

J’avais 11 ans et c’était le 3 avril 1998. Il faisait étrangement chaud pour la saison,
lourd. J’étais sortie, comme à l’habitude à cette heure de la journée, un peu
plus de dix-sept heures, pour jouer avec ma copine qui vivait juste en-dessous
de chez moi, malgré l’orage qui menaçait.

J’étais bien trop excitée par mon nouveau vélo, que je venais de recevoir la veille, jour de
mon anniversaire, pour me soucier du temps. Je ne pensais qu’à une chose :
regarder droit devant moi et rouler, rouler, rouler.

Il faut dire que, depuis quelques semaines, j’enviais ma copine avec son vélo. Mais là, c‘en était fini. Je pourrais partir avec elle, le soir, après l’école, pour rejoindre le parc à quelques huit cents mètres, à droite, en sortant de notre maison.

Tania, ma copine qui était âgée d’une année de plus que moi, roulait devant moi. On parcourut sept cents mètres, sur la route principale, qui nous menait à l’entrée du parc.
Un profond sentiment de bonheur et de liberté m’envahit. J’avais l’impression
de partir pour un grand voyage, je me sentais plus grande, j’avais l’impression
de ressentir ce qu’un adulte ressent quand il prend la route, un mélange de
puissance et d’indépendance.

On arriva à dix-sept heures trente-cinq au parc, où jouaient déjà des dizaines d’enfants de
notre âge, et plus jeunes également. Tout à coup, j’entendis une voix qui
hurlait : « Attention, la balle ! ». Puis j’entendis ma copine Tania pousser un cri. Immédiatement, je la cherchai du regard et n’eus qu’une seconde pour planter sur mes freins et tourner mon guidon afin de l’éviter, car la malheureuse venait de tomber de son vélo suite au choc du ballon dans son visage.

Je m’en voulais déjà de ne pas avoir vu le ballon arriver sur ma copine, mais je n’eus
pas le temps d’y penser plus longtemps, car elle était allongée là, à trois
mètres de moi. Je me précipitai vers elle et remarquai qu’elle ne bougeait pas.
Je criais son nom, mais rien, aucune réponse.

A ce moment précis, je sentis mon cœur battre dans ma poitrine, fort, toujours plus fort.
Je m’approchai d’elle et eus l’impression que mon cœur allait sortir de ma
poitrine. Je tendis mes bras vers elle pour la secouer très légèrement et c’est
là que je vis du sang frais, juste sous son visage, qui coulait légèrement
autour de sa tête. Un sentiment de panique m’envahit alors. Tout se bousculait
dans ma tête. Devais-je la bouger ou, au contraire, ne pas la bouger, faire quelque
chose, mais quoi. Je levai ma tête comme pour avoir un avis et voir si
quelqu’un pouvait m’aider. Et là, je vis arriver la mère d’une copine, infirmière.
Je levai les mains au ciel et la suppliai, pour rien d’ailleurs, de nous venir
en aide. Je dis « pour rien », car, évidemment, c’est précisément pour ça qu’elle accourait.

C’était Annie Rappaz, la mère de ma copine de classe, Alexandra. Pendant quelques
secondes, je me sentis rassurée. Une infirmière, elle, saurait quoi faire.

Celle-ci, ayant assisté à la scène, se précipita pour examiner Tania et comprit vite que
c’était grave. Tout en lui prodiguant les premiers secours adéquats, elle me
demanda que l’on appelle une ambulance. Rapidement, un homme, qui était là, se
précipita dans la cabine téléphonique du parc et fit le nécessaire.

En moins de dix minutes, les ambulanciers arrivèrent et déposèrent Tania sur un brancard,
puis l’emmenèrent, sirènes allumées, à l’hôpital régional, aux urgences.

Je me retrouvai là, d’une minute à l’autre, seule dans le parc, la tache de sang encore
fraîche juste à côté de moi. J’étais comme tétanisée.

Tellement de sentiments, de pensées, se bousculaient en même temps dans ma tête. Pourquoi Tania de bougeait-elle pas, était-ce grave, y-aurait-il des séquelles ?

Pour moi qui, jusqu’à ce jour, avait eu une vie sans histoire, je pourrais même dire heureuse,
le fait que de vivre cet accident en direct, c’était comme si une partie de ma
vie avait été transformée. Mon monde presque parfait, le monde de mon enfance,
s’effondrait, pour laisser place à… En fait, c’est bien ça qui me faisait
paniquer à l’intérieur de moi-même, je ne savais pas à quoi. Je n’avais qu’une
certitude : ce sentiment de stress, mêlé d’une peur indéfinissable,
m’envahissait pour la première fois de ma vie.

Je détestais ces pensées, ces impressions qui me torturaient l’esprit, mais en même temps,
je n’avais pas le temps de trop y penser, tant mes pensées se focalisaient
également sur Tania. Comment allait-elle ?

Soudain, l’orage éclata et me ramena à la réalité présente. J’étais dans le parc, seule,
sous la pluie et je me dis qu’il fallait que je rentre au plus vite.

Arrivée à la maison, ma mère remarqua tout de suite que quelque chose n’allait pas. Je me
mis à sangloter, puis à pleurer sans plus pouvoir me retenir.

Une ou deux minutes après, j’expliquai à ma mère ce qui s’était passé au parc. Immédiatement, elle me prit dans ses bras, puis commença à composer le numéro de téléphone de chez Tania afin de prendre des nouvelles auprès de sa mère.

Celle-ci ne répondait pas. On en conclut qu’elle était partie à l’hôpital.

Je suppliai ma mère d’appeler l’hôpital et, finalement, elle accepta. Je sentais mes jambes
trembler pendant qu’elle parlait au téléphone, puis elle raccrocha. Elle était
très pâle. Elle me dit : « C’est grave. Sa tête a heurté une pierre
pointue qui était par terre, juste à côté de l’œil, ce qui lui a fait une
blessure assez profonde, en plus d’un choc traumatique violent. Son œil est
sauvé. Pour le reste, il faudra attendre pour savoir s’il y aura des séquelles. »

Je partis dans ma chambre. Il me sembla que rien ne serait plus comme avant. J’avais pris
conscience que la vie est fragile, que le monde qui m’entoure n’est pas
éternel, que tout peut changer, d’un jour à l’autre, et dans ma tête de petite
fille de 11 ans, ça faisait beaucoup pour une journée.

Cette nuit-là, pour la première fois, je rêvai que je volais d’un endroit à un autre et, à mes
côtés, sans vraiment pouvoir distinguer de forme précise, une lumière
m’accompagnait, une présence très lumineuse, mais vraiment sans forme
distincte.

Le lendemain matin, c’était incroyable. J’avais de la compassion pour Tania, mais j’étais
confiante, rassurée, très bien dans ma peau. J’en étais presque mal à l’aise,
mais je me dis que je pourrais mieux l’aider à se rétablir si moi-même j’allais
bien.

J’allai souvent chez elle pendant sa convalescence, qui se passait plutôt bien. On
jouait, on riait. Parfois, je mangeais chez elle, mais je dois dire que si sa
mère était chaleureuse, sympathique, son père, lui, était un personnage froid, distant.
Et ce qui me dérangeait le plus, c’était sa façon de me regarder. C’était bizarre,
c’était comme s’il n’aimait pas la complicité que nous avions, Tania et moi.

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Une belle amitié foudroyée

Nous sommes en 2012. Je suis dans mon lit et je me sens très triste, très malheureuse. Il faut dire que, la veille, nous nous préparions, Tania et moi, à partir en weekend à la montagne. Nous voulions partir entre filles, dans un petit chalet que nous avions loué pour le weekend end.

Depuis que je l’avais aidée à se rétablir, par ma présence, mon enthousiasme, nous étions devenues comme deux sœurs. Nous avions continué à nous voir presque tous les jours pendant notre adolescence, puis, par la suite, au moins une fois par semaine, pour aller se faire un restaurant, un cinéma ou autre.

A ce moment-là, nous avions décidé de nous accorder un peu de détente bien méritée, moi qui passais la majeure partie de mon temps, presque sept jours sur sept, à faire visiter des maisons, appartements, commerces, en tant qu’agent immobilier et, Tania, qui était infirmière et cumulait les heures supplémentaires depuis des mois.

En fait, ce premier samedi matin d’octobre, tout avait bien commencé.

A sept heures trente, j’entendis la sonnerie de ma porte d’entrée. C’était Tania qui arrivait. Nous avions décidé de prendre le petit déjeuner ensemble, chez moi.

Nous avions trois heures de route à faire et voulions avoir bien mangé avant de partir. Nous allions rouler d’une traite jusqu’à un restaurant, à la montagne, où nous voulions manger à midi, et qui se trouvait près du lac qui bordait le centre de la station.

A huit heures trente, nous décidâmes de partir. Nous mîmes nos valises et nos sacs dans le coffre de ma voiture. Je m’assis rapidement derrière le volant et, au moment de s’asseoir à côté de moi, Tania eut juste le temps d’entrer une jambe dans la voiture, quand, tout d’un coup, elle s’écroula.

Je me précipitai hors de la voiture et la rejoignis en criant : « Tania, mais qu’est-ce qui se passe ? » Je la vis par terre, inerte.

Je la bombardai de questions, mais rien, aucune réponse. Je la saisis par les épaules, mais sa tête tomba en arrière.

Je me sentis mal, très mal. J’eus même quelques vertiges. Mais que se passait-il ? Elle ne me répondait pas, elle était comme évanouie. Je me précipitai chez moi et je fis le numéro des urgences. En quelques minutes, l’ambulance fut devant chez moi.

L’ambulancier, qui venait de l’examiner, me regarda et me dit : « Désolé madame, il n’y a plus rien à faire. » « Comment ça, plus rien à faire ? », lui répliquai-je.

« Désolé, mais elle est morte », me répondit-il.

Je sentis mes jambes me lâcher. Le deuxième ambulancier, qui était à mes côtés, me prit dans ses bras, me soutint pour que je ne tombe pas. Il m’accompagna chez moi, me fit m’asseoir et me donna une de ces pilules qui permettent de se calmer. Je me retrouvai, en quelques minutes, complètement avachie.

Mais, je voulais savoir : « Qu’a-t-elle eu ? Que lui est-il arrivé ? »

« On l’ignore », me répondirent les ambulanciers, « impossible d’avoir le moindre indice. On va l’emmener et on vous informera dès qu’on pourra en savoir plus. »

On devrait être en train de rouler en direction de notre chalet et, à la place de cela, je me retrouvais seule chez moi, avec ma valise et mon amie, qui m’avait quittée d’un coup, sans prévenir, comme foudroyée par la mort.

Cette journée se termina sans que je ne sache vraiment ce que j’avais fait. J’étais assommée par ce que m’avait donné l’ambulancier. Tôt dans la soirée, je me couchai et m’endormis immédiatement.

Le lendemain matin, après m’être remémorée notre aventure à vélo, Tania et moi, quand j’avais 11 ans, et cet accident qu’elle avait eu juste sous mes yeux, puis après avoir réalisé que je ne la reverrais plus suite à cette tragédie, arrivée la veille devant chez moi, je me levai d’un bond et décida de savoir exactement ce qu’il lui était arrivé.

Je pris ma voiture et me rendis à l’hôpital. On m’accueillit chaleureusement, mais en m’indiquant qu’il fallait patienter jusqu’à quinze heures environ, afin d’avoir les résultats de l’autopsie.

Ne voulant pas rentrer chez moi, je décidai, pour essayer de penser à autre chose, d’aller faire les magasins, de manger un plat léger et d’attendre, d’attendre les résultats.

J’avais laissé mon numéro de portable à l’hôpital, afin d’être avertie dès qu’il y aurait du nouveau. Ce dernier sonna à quinze heures trente. Un médecin me dit immédiatement : « On n’a rien trouvé, rien d’anormal. »

« Mais enfin », lui répondis-je, « elle est morte, mais de quoi alors ? »

« On n’en sait rien, désolé », et la discussion s’arrêta là, car, visiblement, ce médecin ne voulait pas en dire plus.

Quelques minutes plus tard, j’appelai l’hôpital et demandai le médecin légiste qui avait examiné Tania. Après avoir pu discuter pendant quelques minutes avec celui-ci, il me dit qu’il allait, dès le lendemain, examiner son dossier médical complet et que, par la suite, il préfèrerait discuter directement avec un membre de sa famille. Je lui proposai d’appeler sa mère et que cette dernière puisse le rappeler le lendemain, en fin de journée. Il acquiesça et nous en restâmes là. Il s’était écoulé un jour depuis le décès foudroyant de mon amie Tania.

Sitôt rentrée, j’appelai la mère de Tania, qui était toujours en pleurs, lui présentai mes condoléances et l’informa de ma discussion avec le médecin légiste.

Cette dernière m’invita à me rendre chez elle le lendemain, afin d’être présente quand elle téléphonerait au médecin. Cela m’arrangea, car je n’osais pas le lui demander. J’acceptai donc immédiatement son invitation.

Je n’avais maintenant plus envie que d’une chose : tout oublier, me relaxer. Je fis couler un bain et, tout en écoutant de la musique classique, je me relaxai pendant plus d’une heure dans une eau bien chaude et savonneuse.

Ce début de journée fut pénible. J’aurais voulu qu’il soit tout de suite seize heures, heure à laquelle la mère de Tania appellerait le médecin légiste. Je travaillais, certes, mais sans conviction, un peu comme un robot, de façon automatique.

La maman de Tania, une petite femme d’habitude très vive, m’accueillit à quinze heures quarante-cinq. Elle était très pâle, elle n’avait pas dû dormir beaucoup. Elle me proposa immédiatement une tasse de thé, comme pour s’occuper avant le téléphone de seize heures. Nous n’avions, ni elle, ni moi, envie de trop parler.

Enfin, il sonna seize heures à l’horloge du salon. Péniblement, la maman de Tania se leva, prit le téléphone et composa le numéro du médecin légiste, tout en se rasseyant immédiatement. Elle laissa sonner un coup, deux coups. Puis, au troisième coup, la secrétaire répondit. Cette dernière passa immédiatement la communication au médecin légiste.

Le médecin commença à parler à la mère de Tania en ces termes : « Ecoutez, madame, ce que j’ai constaté en examinant le dossier médical de votre fille m’a stupéfait. En fait, durant les quatorze derniers mois, votre fille a consulté plus de trente-deux fois son médecin, des cabinets privés et même des hôpitaux. »

J’ai donc décidé d’appeler quelques-uns des médecins qui l’ont eue pour des examens, afin de pousser mes investigations encore plus loin. Mais tous m’ont dit la même chose, ce qui est inscrit dans son dossier médical. Elle était, visiblement, gravement malade, mais qu’avait-elle réellement ? Aucun examen ne pouvait vraiment nous le révéler.

Tania allait voir les médecins en se plaignant de douleurs articulaires et même de nausées. Les douleurs allaient en augmentant au fil des mois.

En conclusion, le médecin légiste était vraiment perplexe, car, non seulement le décès de Tania était incompréhensible, mais également les mois qui ont précédé son décès, avec ces douleurs inexplicables et cette souffrance terrible, qu’elle essayait de cacher aux autres, notamment à son entourage.

Le médecin légiste fut visiblement troublé et ne put malheureusement pas en dire plus. L’entretien prit donc fin.

La mère de Tania déposa le combiné du téléphone et commença, immédiatement, à me compter les dires du médecin légiste. J’en restai abasourdie.

« Et maintenant, que va-t-il se passer ? », me demanda-t-elle ?

« Rien », lui dis-je, « son dossier va être classé en instance, ce qui signifie, cause de décès indéterminée. »

Sa mère me regarda et me demanda si j’étais au courant de son état de santé, de ces problèmes. Je lui répondis que non. « En fait, je ne soupçonnais rien, car je ne l’avais jamais vue se plaindre et elle ne s’était jamais confiée à moi », lui dis-je. « A moi non plus », ajouta sa mère, comme contrariée par ce fait.

Tout en buvant une nouvelle tasse de thé, je lui demandai comment allait son mari, le père de Tania. Elle me répondit qu’il s’était renfermé sur lui-même, malgré sa profession, enseignant en mathématiques, qu’il ne parlait pas ou presque pas quand il était à la maison, déjà introverti de nature. Il encaissait en gardant tout pour lui, et on ne change pas à 55 ans, au contraire.

Je restai encore vingt minutes chez elle et la quitta vers dix-sept heures quinze environ.

Nous étions toutes les deux très tristes. A cela se rajoutait un sentiment de contrariété, empreint d’un pointe de colère, car, malgré l’entretien avec le médecin légiste, non seulement le mystère sur la mort de Tania n’était toujours pas éclairci, mais, pire, il devenait encore plus inexplicable et risquait de le rester, au vu de la conclusion du médecin légiste.

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Une rencontre et le début d’une grande amitié

L’hiver allait arriver avec son lot de neige, de froid. Je décidai de me remettre à faire du sport, en salle évidemment, car je n’aime pas trop le ski. Je choisis un abonnement de six mois et pris la résolution d’aller au moins deux fois par semaine m’entraîner. Cela me ferait du bien et me permettrait peut-être de me changer plus vite les idées.

Je me rendis au fitness tous les mardis et jeudis, et fis la connaissance de plusieurs femmes, jeunes hommes. Mais je n’étais pas venue spécialement pour trop bavarder, ce qui fait que je ne donnais pas suite aux avances de certains hommes et laissais parler les femmes, en écoutant ou, parfois je l’avoue, en faisant semblant d’écouter.

Cependant, je fis la connaissance de Martine, elle aussi agent immobilier, plus âgée que moi. Elle avait 57 ans, elle était rayonnante, épanouie, et j’eus envie de lui parler, d’échanger; peut-être parce que nous avions le même métier ou pour d’autres raisons. En tout cas, on avait du plaisir à bavarder ensemble, entre deux exercices.

Après plus de quatre semaines que nous partagions de petites discussions sympathiques au fitness, nous décidâmes d’aller boire un verre à la sortie de notre séance.

Nous prîmes un bon café avec un cookie, tout en rigolant sur les calories; nous échangeâmes sur notre métier commun, puis sur nos vies privées, et je lui contai rapidement ma tristesse toujours présente, suite à la disparition de ma meilleure amie d’enfance.

Je lui parlai de Tania, de notre enfance, de sa vie, de sa mère, de son père Roger, puis, d’un coup, elle me demanda : « Quelle est le nom de famille de Tania ? » « Bishop », lui répondis-je.

Je vis ma nouvelle amie, Martine, changer de couleur, devenir pâle. Sa voix tremblait quand elle me dit : « Mais alors, son père s’appelle Roger Bishop ? » « Oui », répondis-je. « Et quel âge a-t-il », me demanda-t-elle ? « 55 ans », lui dis-je. Puis elle me demanda encore : « Il ne serait pas professeur, professeur de mathématiques ? » « Oui », lui confirmai-je.

Elle me fixa droit dans les yeux et me dit : « J’ai été mariée, il y a longtemps maintenant, à cet homme, malheureusement ! »

Incroyable. Je ne sais plus quoi dire, ni quoi penser. « Tu veux dire que tu as été mariée au père de ma meilleure amie ? ». « Je le crois bien », me répondit-elle.

« Mais, tu m’as dit que tu as été malheureusement mariée à cet homme, pourquoi malheureusement ? », lui demandai-je.

« Ma pauvre Ellya, si tu savais, cet homme a été monstrueux avec moi ! » A ce moment-là, je sentis mon cœur commencer à battre plus vite. « Mais que veux-tu dire par là ? », m’exclamai-je.

Elle me raconta comment elle avait rencontré Roger, était tombée éperdument amoureuse de lui, comment rapidement ils se marièrent et vécurent ensemble à quelques kilomètres d’ici.

Tout allait bien, jusqu’au jour où, trouvant bizarre que Roger ne rentre que tard le soir plusieurs fois par semaine, elle décida d’engager un détective afin de savoir ce qu’il faisait; car ses cours se terminaient vers seize heures et, parfois même, il n’avait pas de cours, mais prétendait aller à l’école pour corriger des devoirs, ce qu’il faisait habituellement à la maison.

« Après deux semaines de filature, le détective me fit un rapport complet, avec photos », dit-elle.

« C’est comme ça que j’ai appris qu’il me trompait avec une enseignante stagiaire de vingt-deux ans. Il est allé jusqu’à lui payer des bijoux, repas au champagne, en puisant sur notre compte bancaire, en prétextant que c’était pour payer des factures de soins dentaires pour son père, enfin bref, un tissu de mensonges. »

« Mais il y a pire, bien pire ! », ajouta-t-elle.

« Quand je lui ai révélé que je savais tout sur sa relation extraconjugale, il a commencé par nier. Puis il s’est mis en colère, j’ai cru qu’il allait me frapper. Il m’injuriait en me disant que je le soupçonnais du pire et que c’était peut-être moi qui le trompais, jusqu’à ce que je lui montre les photos. Là, il me regarda, secoua la tête et sortit en claquant la porte. »

« A ce moment-là, j’ai compris que je n’avais qu’une chose à faire : demander le divorce. »

« Mais avec ce genre d’hommes, ça ne suffit pas. En attendant qu’il trouve un appartement, il est resté environ deux semaines dans la maison et, après quelques jours, j’ai commencé à avoir de fortes douleurs aux muscles de mes jambes, puis un peu partout. »

« Je suis allée voir mon médecin, qui ne diagnostiqua rien de particulier. Rentrée chez moi, je pris mon gros pot de yaourt maison et m’en servis une portion, comme à mon habitude; mais une odeur étrange se répandit au-dessus de mon yaourt, une odeur inhabituelle. Je fus intriguée et me résigna à ne pas en manger. Je m’assis et réfléchis. Et si ça venait de mon yaourt ? Peut-être que quelque chose à l’intérieur de ce dernier ne me convenait plus ? Ce serait nouveau, mais bon, pourquoi pas ? Et cette odeur bizarre, qu’est-ce que ça pouvait bien être ? »

« Je pris le yaourt, le ferma soigneusement et je décidai de l’amener immédiatement à la police, en expliquant que je désirais que quelqu’un fasse une analyse de ce yaourt, que je fais moi-même, mais qui avait une odeur suspecte. Je demandai s’il serait possible d’en faire une analyse chimique. »

« Après avoir attendu presque trente minutes, je fus reçue par un responsable du laboratoire scientifique de la police et, après avoir senti mon yaourt, il accepta d’en faire une analyse toxicologique. »

« Il me dit qu’il m’appellerait le lendemain dans la journée, sur mon portable. »

« Vers quatorze heures quarante-cinq, le lendemain, mon téléphone portable sonna. Je m’en souviens encore et me souviendrai toujours de l’heure et de cet instant, au moment où le verdict tomba. Mon yaourt contenait du sélénium, en forte quantité, et en ingurgitant régulièrement une telle dose, on peut parler d’empoisonnement. »

« Mais tu veux dire qu’il a cherché à te tuer en voulant t’empoisonner », dis-je à Martine.

« Oui. Alors imagine ma stupéfaction quand tu me parles de ce qui est arrivé à ton amie ! »

« En fait, Roger est un homme à femmes, mais la direction de son école est tenue par des Mormons, un mouvement religieux très conservateur et qui considère la famille comme sacrée; ce qui signifie que s’ils avaient appris qu’un de leur professeurs avait eu une relation extraconjugale, il y a de fortes chances pour qu’il fût licencié. C’est même certain. Et dans une petite ville comme Biddeford, on peut même dire qu’il n’aurait plus retrouvé de travail. Roger a donc dû avoir peur de tout perdre. Par conséquent, il a décidé que sa carrière, son emploi dans cette école, passerait avant tout le reste. »

« A l’époque, j’ai porté plainte, mais Roger m’a suppliée de la retirer, et il m’a suppliée aussi de ne pas révéler pourquoi nous divorcions à mes amies, qui étaient souvent des femmes d’autres professeurs. »

« J’ai donc retiré ma plainte. La seule contrainte qu’il avait était de suivre un traitement thérapeutique chez un psychologue ou psychiatre, je ne sais plus très bien exactement … »

« Et depuis, je n’ai plus entendu parler de lui; nous n’avions pas d’enfants, rien qui nous liait. »

Elle me regarda. Son regard était vif, mais reflétait de la tristesse. Elle me dit : « Tu sais, toutes les personnes qui croisent ce triste personnage en subissent des préjudices, souvent graves, quand ce n’est pas fatal. »

Martine commença à se sentir pas mal. Elle me confia : « Je n’aurais pas dû retirer ma plainte à l’époque, comme ça ce triste individu aurait certainement fait de la prison et n’aurait pas pu nuire à d’autres personnes. »

Bien qu’étant un peu d’accord sur le fond, je la rassurai en lui disant qu’à sa sortie de prison, il aurait peut-être continué. On n’en sait rien.

Mais je commençai à penser que je ne pouvais pas en informer la police, car Tania ne vivait pas sous le même toit que son père. Par contre, elle le voyait une ou deux fois par mois, et parfois chez elle.

De plus, ses symptômes ressemblaient étrangement à ceux de Martine.

Que devais-je faire ?

Les conséquences d’une enquête, suite à de tels soupçons, dans une petite ville comme la nôtre, où presque tout le monde se connaît, seraient terribles, surtout pour un enseignant qui pratique encore dans l’école publique de la ville.

Martine comprenait bien et devinait parfaitement à quoi je pensais depuis quelques minutes. Elle ne disait rien, me laissait réfléchir, puis me dit : « Tu sais Ellya, as-tu vraiment le choix ? Tout d’abord, pour aider à éclaircir le mystère de la mort de ton amie, mais également, si c’est vraiment lui qui est en cause, pour le mettre hors d’état de nuire à l’avenir. Pour ma part, je t’aiderai dans cette démarche, tu peux compter sur moi. »

« Merci Martine, je sais, je sais déjà ce que je dois et ce que je vais faire, je suis juste sous le choc, en ce moment ! »

« Mais faut-il en parler à la mère de Tania, l’avertir, ou ne rien lui dire ? »

« Il faut y réfléchir. Je crois que l’on sait quelque chose que l’on ne peut pas garder pour nous. Peut-être devrions-nous en parler à la police et les laisser faire », demandai-je à Martine.

« Le mieux serait de se voir demain, à midi. Es-tu libre, Martine ? On pourrait manger ensemble et discuter. »

« Je vais me libérer », me répondit-elle. « On se voit au Pam’s Pub ! », précisai-je. « Oui, très bien, on pourrait se manger un de leurs fameux big burgers maison ! », ajouta-t-elle. « En effet », lui dis-je en souriant.

Cette nuit-là, je m’endormis facilement et fis à nouveau un rêve étrange, mais qui me réconforta, qui me donna comme une énergie incroyable, une confiance en moi totalement irrationnelle; car j’aurais dû, au contraire, être angoissée. Mais ce rêve que j’avais déjà fait quand Tania avait eu son accident à vélo, je venais de le refaire, pour la deuxième fois de ma vie.

A nouveau, je volais, marchais sans me fatiguer, avec toujours cette énergie très lumineuse, blanche et jaune à la fois, juste à mes côtés.

A mon réveil, j’avais à nouveau ce sentiment de pleine confiance en moi. En fait, je m’attendais à être dépitée après ce que m’avait dit Martine, mais au contraire, j’étais déterminée, presque heureuse de pouvoir participer à l’élucidation de la mort mystérieuse et subite de Tania.

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Rencontre avec un petit ami perdu de vue

Ce matin, je devais faire visiter une propriété à un couple qui désirait acquérir leur première maison, un charmant jeune couple, qui attendait un enfant pour dans quatre mois. La visite se déroula bien, je les sentais fortement intéressés. On termina notre rendez-vous vers onze heures quinze. Je pensais qu’ils allaient certainement me rappeler pour que l’on signe une proposition d’achat, ce qui me réjouissait, car les affaires étaient calmes en ce moment.

Ne voulant pas commencer autre chose en cette fin de matinée, je décidai de me rendre directement à pied jusque au Pam’s Pub, qui était à six cents mètres d’où je me trouvais. Je pourrais ainsi travailler sur ma tablette en attendant Martine.

En entrant dans le pub, je tombai nez à nez avec Serge, un ami, ou plutôt devrais-je dire un ex-petit ami, avec lequel j’avais rompu il y a quelques années, trois ans pour être plus précise. Celui-ci fut tout aussi surpris que moi. On se sourit et, vu qu’il était avec d’autres amis ou collègues, on ne put échanger qu’un bref regard et que se dire le traditionnel « Salut, ça va ? »

Tout en allant m’asseoir, je me dis que ça restait un bien bel homme et je me demandai pourquoi, pour quelle raison, je l’avais quitté. Les raisons qui me venaient en tête, tout en m’asseyant à une table avec vue sur l’extérieur du pub, me parurent futiles.

Je me fis la réflexion que ma vie sentimentale, amoureuse et sexuelle était assez plate, puis mon portable sonna et m’arracha à mes pensées. « Allo oui, c’est Ellya ». « Salut Ellya, c’est Martine, je vais avoir quelques minutes de retard ! » « Pas de problème ! », lui répondis-je, « Je suis déjà au pub. Je ne bouge pas. A tout de suite ! »

Puis, j’allumai ma tablette pour aller voir mes courriels. Le couple qui avait visité ce matin la maison avec moi m’écrivait déjà. Ils avaient deux questions et m’informaient qu’ils allaient certainement se décider dans la journée. Bon, et bien, bonne nouvelle, me dis-je.

Tout en répondant aux deux questions qu’ils m’avaient posées, je sentis le regard insistant d’un homme assis au bar. Il me regardait, mais pas vraiment dans les yeux. Je sentis comme une bouffée de chaleur monter en moi. En fait, je ne m’étais pas rendu compte qu’en m’asseyant, ma jupe, pas très longue, était remontée un peu trop et moi, qui ai l’habitude d’écarter un peu mes cuisses pour être plus à l’aise, j’offrais un spectacle bien involontaire, tellement j’étais prise dans mes pensées, à cet homme, qui ne s’en privait pas. Mon visage devait certainement être tout rouge à ce moment-là. Je levai la tête dans sa direction tout en resserrant mes cuisses. Il me fit un grand sourire et se retourna face à sa bière pour en avaler une gorgée tout aussi grande.

J’étais à la fois flattée de plaire et pas fière de moi. J’aurais pu y penser ! Je finis mon courriel et l’envoyai.

Je me laissai bercer, pendant un petit moment, par la musique du pub, bus une gorgée et repensai à Tania. Comment avait-elle pu souffrir autant, sans alerter sa mère, ni moi ? Elle arrivait à faire croire que tout était normal, quand, visiblement, elle souffrait véritablement beaucoup. Mais peut-être que de faire semblant que tout allait bien la soulageait, que ça lui donnait l’impression d’avoir une vie normale dans ces moments-là ?

Martine arriva à midi cinq, essoufflée. Elle s’assit comme une masse sur sa chaise. « Finalement, tu sais Ellya, je peux encore être contente de pouvoir faire ma pause, car mes clients avaient beaucoup de retard et, finalement, ils m’ont appelée pour déplacer le rendez-vous. Ce n’est pas plus mal, car j’aurais dû annuler notre rendez-vous. Mais tu connais la chanson, tu fais le même job que moi ! » « Eh oui ! », lui répondis-je en souriant.

Nous commandâmes chacune un big burger maison et, sans plus attendre, la discussion s’orienta sur le père de Tania.

« Tu sais, Martine, c’est impossible. Si le père de Tania est responsable de sa mort, le laisser enseigner, prendre le risque qu’il recommence, ce n’est pas possible ! Je suis d’avis que nous devons, au plus vite, aller en informer la police ! » Elle acquiesça immédiatement de la tête. « En effet, je pense la même chose et ça me rend malade quand je pense à ce qu’il m’a fait et qu’il a très certainement recommencé sur Tania, sa propre fille. Ce type est un monstre ! »

Au pub, la musique était forte et tout le monde parlait fort, mais l’ambiance était bonne. Sur le point de finir leur repas, elles décidèrent de convenir d’un rendez-vous pour aller au poste de police. Le lendemain après-midi, à quinze heures trente, ce serait le premier moment où toutes les deux auraient au moins deux heures de libre pour aller faire leur déposition.

Elles commandèrent chacune un café et profitèrent de la musique, de l’ambiance, pour essayer d’oublier cette sombre affaire. Elles n’y arrivèrent pas complètement, mais chacune essaya de faire mine de penser à autre chose. Elles parlèrent un peu de leur travail respectif et ce fut rapidement le moment de payer et de partir au travail.

Nous nous séparâmes sur le trottoir devant le pub. Nous nous fîmes la bise et je partis directement à mon bureau, en voiture, ce qui ne me prit pas plus de cinq minutes. Je sortais de ma voiture quand j’entendis : « Hello Martine, ça va bien ? »

C’était le directeur de l’agence immobilière, Raymond, tout sourire, visiblement de bonne humeur, pour une fois. « Très bien, Raymond, merci et toi ? »

« Parfait ! Je viens de signer, alors ça ne peut pas aller mieux ! » Raymond avait la cinquantaine, divorcé, deux enfants. Il dirigeait depuis dix-huit ans sa propre agence franchisée dans l’immobilier. Il était caractériel, souvent de mauvaise humeur, mais plutôt sympathique avec moi, en général. Il faut dire que je suis agent immobilier indépendante chez lui. Je lui loue mon bureau, je paie pour porter le nom de l’enseigne et j’ai, par conséquent, une grande indépendance. Je dois respecter la chartre de la franchise, mais je peux m’organiser comme je désire, ce qui me laisse une très grande indépendance et liberté d’action.

« Ah oui, au fait, Ellya, tu n’oublies pas notre réunion de vendredi neuf heures ! Je compte sur toi ! » « Pas de problème, j’ai agendé ça, déjà. Je serai là ! », lui dis-je en lui faisant un beau sourire, ce qui, manifestement, le satisfit.

Le lendemain, après deux visites de maisons avec des clients, je me rendis devant le poste de police pour attendre Martine. Celle-ci arriva presque en même temps que moi. J’étais heureuse qu’elle soit là, car son témoignage était crucial. Tout reposait sur ce qui lui était arrivé quelques années auparavant avec Roger, son mari d’alors.

Nous fûmes accueillies chaleureusement par le policier responsable de l’accueil, qui nous invita à prendre place dans une petite pièce, qui, heureusement, avait une fenêtre, car j’aurais une certaine tendance à être claustrophobe.

Nous étions en train d’attendre le responsable de la police judiciaire depuis dix minutes quand ce dernier fit irruption dans la pièce. Il nous serra fermement la main et nous invita à le suivre dans son bureau.

Après environ quinze minutes d’explications, pendant lesquelles je lui ai exposé les faits au sujet de Tania et Martine lui raconta son histoire avec Roger, Claude Barzin, notre interlocuteur, nous demanda si nous voulions un café. Mais, ni Martine, ni moi, n’en voulions. Il s’en servit une tasse, but une gorgée et secoua la tête en disant : « Votre histoire est vraiment incroyable et vous m’avez convaincu de rouvrir l’enquête. Merci, mesdames, d’être venues spontanément m’en parler ! »

Nous étions heureuses, Martine et moi, de voir que, tout de suite, un enquêteur professionnel allait rouvrir le dossier de Tania.

Il nous confirma qu’il serait judicieux de ne rien dire à la femme de Roger pour le moment, afin de ne pas compromettre l’enquête, et qu’il l’informerait, en temps voulu, il verrait encore sous quelle forme.

Nous sortîmes du poste de police rassurées et j’invitai Martine à aller prendre un verre. Mais celle-ci déclina, car elle avait un rendez-vous professionnel à peine vingt minutes après. Nous décidâmes de reporter cette sortie à plus tard. On se verrait juste après notre prochain cours de fitness.

En me rendant à ma voiture, je croisai Serge, qui marchait et il arrivait juste en face de moi, dans ma direction. Il était seul. Sitôt qu’il me vit, il me sourit et me dit : « Deux fois dans la même journée, waw, c’est un signe ! Tu ne peux pas refuser de venir boire un verre avec moi ! » Je le regardai et lui dit : « Eh bien, tu n’as pas changé, tu ne perds pas de temps ! T’as pas une petite amie qui t’attend ou une femme avec qui aller le boire ? », lui demandai-je. « Non », me répondit-il, « je suis seul en ce moment … mais je n’insisterai pas. Si tu ne peux pas, je comprendrai » « Ecoute, Serge » lui répondis-je, « juste un verre, rapidement, et je rentre ! » « Ok », s’empressa-t-il de me répondre.

Il y avait un sympathique petit bar juste à côté. On décida de s’y rendre. Je sentis les yeux de Serge se balader sur les courbures de mon corps, qui, visiblement, ne le laissaient pas indifférent.

On prit deux bières blanches et on commença à parler de nos emplois. Il me dit que, depuis deux ans environ, il était détective privé. « Waw », lui dis-je, « je n’aurais jamais cru que tu te lancerais dans un tel job ! » « Eh oui », me répondit-il, « et en plus, j’adore ce job ! Tu n’imagines pas … c’est varié, je ne suis pas toute la journée derrière un bureau, chaque nouvelle enquête est une nouvelle aventure. Je suis souvent en filature et chaque nouvelle enquête, c’est comme une nouvelle histoire à vivre, à découvrir. Il n’y a pas trop de routine, dans ce travail. Par contre, les horaires sont parfois longs et il arrive que je travaille de nuit. Mais comme je vis seul actuellement, ça me va ! »

« Enfin bref, j’adore mon job ! » Puis il me dit alors : « Comme ça, toujours pas mariée ? »

« Il faudrait déjà que je trouve un homme qui me plaise au point d’envisager une vie à deux », lui dis-je, « et ensuite le mariage, faudra voir. En plus, j’ai une vie assez mouvementée ces temps-ci … » Et je commençai à lui compter la malheureuse histoire qui était arrivée à Tania.

« Ce n’est pas possible, ce que tu me racontes là, ça fait mal. » En effet, quand on se fréquentait, Tania était souvent venue passer des soirées chez nous. « Mais c’est terrible ! », rajouta-t-il, « et tu penses que la police va faire quelque chose ? »

« J’espère vraiment », lui répondis-je, « car ça me préoccupe beaucoup actuellement. » « Je te comprends, Ellya », dit-il. Il me prit la main comme pour compatir, puis la relâcha.

Nous continuâmes à parler de choses et d’autres pendant quelques minutes et je lui dis que je devais rentrer. Nous sortîmes et nous nous embrassâmes tendrement. Je le sentis se serrer un peu trop près et trop fort contre moi, mais ce fut bref. Je n’eus donc pas le temps de l’éloigner. Puis nous nous quittâmes en nous souhaitant mutuellement une bonne continuation.

Je fis une soirée tranquille devant la télévision, mais ma tête était occupée à penser à Serge et à son activité de détective. Ça m’intriguait. En fait, il avait réussi à rendre passionnante, par son explication, son activité de détective. Je l’imaginais dans toutes sortes de situations et trouvais ça très excitant. Je fus même étonnée d’y penser autant. Puis, bon, je replongeai dans le film et terminai la soirée tranquillement, couchée sur le divan placé juste devant mon téléviseur.

Une enquête qui ne me satisfait pas

L’enquête sur la mort de Tania va peut-être nous révéler ce qui s’est vraiment passé. Je crois qu’une décision va être prise afin que des tests soient faits, qui pourraient révéler la présence de substances nocives dans son corps, dans son sang. Je pensais à ça chez moi ce matin, devant mon café, juste avant de partir au bureau pour la fameuse réunion de travail à l’agence.

Après deux heures de lecture de graphiques, de rapports en tout genre et de promesses de faire encore mieux, de vendre encore plus, Raymond nous libéra vers dix heures trente. Je trouvais ses réunions pénibles, inutiles, et il le savait. Mais bon, une fois par mois, c’était supportable.

Puis, je m’assis à mon bureau, incapable d’entreprendre quoi que ce soit. Je me disais : est-ce vraiment ça que tu veux faire toute ta vie, faire visiter des maisons, des appartements et parfois des commerces ? Tout n’est finalement que répétition et la seule chose qui varie, c’est mon salaire, puisque je suis payée à la commission. Ce dernier point était le seul qui créait de la nouveauté, un défi, ce qui n’était pas pour me déplaire. Mais, autrement, aller faire visiter des objets immobiliers n’avait rien de très grisant à mes yeux.

Puis, je fus arrachée à mes réflexions par la sonnerie du téléphone. C’était le jeune couple, qui avait réfléchi et qui, finalement, désirait encore attendre avant d’acheter une maison. On convint de rester en contact.

Je repensai ensuite à l’enquête qui reprenait, sur la mort mystérieuse de ma meilleure amie. J’étais curieuse de savoir ce qu’il se passait et avais très envie de m’impliquer plus, mais ne savais pas comment.

Je regardai ma montre et décidai d’aller au fitness. Il y avait un cours de Zumba. Cela ne me ferait pas de mal de bouger un peu. Je me rendis au fitness vers midi quinze, me changeai et participai activement au cours qui commençait à midi trente.

A treize heures trente, je me sentis mieux, quoique je ne devais pas être agréable à voir, de belles auréoles de transpiration ayant apparu un peu partout sur mes habits. Je partis donc rapidement prendre une douche, ce qui détendit mes muscles en plus de me rafraîchir. Je restai presque dix minutes sous l’eau, tant la sensation était agréable de sentir l’eau chaude me stimuler et les gouttes d’eau chaude s’écraser sur mon corps.

En arrivant au bar du fitness, je commandai un grand verre de lait hyperprotéiné au chocolat, quand j’entendis la voix de Martine qui me saluait.

Je me retournai et, étonnée, lui fis : “Hey, salut Martine, comment vas-tu ?” “Bien, merci”, me répondit-elle, “je voulais justement t’appeler car j’ai des nouvelles sur l’enquête. En fait, un bon ami à moi a été à l’école avec Claude Barzin, l’enquêteur qui a repris l’affaire concernant Tania et il lui a téléphoné. Il a pu obtenir que je puisse appeler Claude quand je le voulais, enfin, sans abuser, et qu’il me donnerait les informations qu’il avait.”

“C’est génial !”, dis-je à Martine, “alors assieds-toi et raconte-moi la suite !”

“Tu penses bien, j’ai immédiatement téléphoné à l’enquêteur. Claude m’a tout de suite donné les résultats des tests qui ont été refaits, mais rien, rien d’anormal. Ils ont surtout axé leurs tests sur la recherche de sélénium, au vu de mon témoignage, mais rien !”

“Il laisse bien évidemment l’enquête ouverte, mais ne pourra pas en faire une priorité. Il a l’autorisation de continuer, pour autant que ça n’empiète pas sur les enquêtes importantes en cours.” Tout de suite, je réagis en lui disant : “Mais c’est important, c’est important de savoir de quoi est morte Tania, surtout si c’est un crime !”

“Je suis de ton avis”, me dit Martine, “j’en ai en fait part à Claude, qui va faire tout ce qu’il peut.” Mais, me demandai-je, est-ce que ce sera suffisant pour élucider ce mystère ? Pas sûr.

Je finis mon verre. Martine et moi nous séparâmes, mais à contre-cœur, car elle avait décidé de faire un cours et, de mon côté, j’avais un rendez-vous.

Nous savions, Martine et moi, qu’à ce stade de l’enquête et des investigations, il y avait peu de chances que quelque chose bouge et ça ne nous convenait pas du tout.

J’étais préoccupée, mais je devais faire en sorte que mes clients ne voient rien. Ça ne serait pas facile. Mais, finalement, comme j’étais une professionnelle de la vente, j’y suis arrivée. Ils n’ont rien vu et ont même acheté la maison que je leur proposais, ce qui, au moins, aura été une chose positive dans cette journée.

De retour à mon bureau avec mes clients, je vis qu’il y avait, dans ma boîte de courriels, un message de Serge. Je n’eus pas le temps de l’ouvrir, car je devais préparer le contrat pour la promesse d’achat, avec un prix à soumettre au vendeur.

Cela me prit encore une heure. Il était quasiment quinze heures quarante-cinq. Je pris alors congé de mes clients.

Immédiatement, je consultai ma boîte email afin d’y lire le message de Serge. Je l’ouvris. Heureusement que j’étais assise, car je ne m’attendais pas à son contenu. En résumé, Serge voulait m’inviter à souper. Il m’expliquait qu’il avait apprécié le moment passé ensemble au pub et qu’il désirait recommencer devant un bon petit plat.

Je restai songeuse. Faire un repas avec Serge, n’était-ce pas lui faire croire que je m’intéressais à lui ? Mais, en fait, était-ce faux ? Je ne le savais pas. Mes sentiments pour lui étaient tout, sauf clairs. Mais je savais une chose, c’est que, à ce moment précis, j’étais incapable de savoir ce que je voulais. J’avais d’autres préoccupations.

Je réfléchis, et pour me détendre, je décidai d’aller à la machine à café et de m’en servir une bonne tasse. Je m’assis tranquillement afin de prendre du recul.

Puis, je me dis que le fait que Serge soit devenu détective, qu’il ait, par conséquent, un savoir-faire évident pour mener des enquêtes, pourrait me servir, mais je n’aimais pas trop ce terme “me servir”, car je n’aime pas me servir des autres, ce n’est pas dans ma nature. En l’occurrence, pour le cas qui m’intéressait, disons qu’il pourrait me conseiller. Peut-être, en plus, sans vraiment me l’avouer, avais-je envie d’en savoir plus sur le métier de détective ?

Je décidai de lui répondre en lui indiquant que je n’avais rien contre le fait de souper une fois avec lui et que j’attendais son invitation.

Celle-ci ne tarda pas. Il me répondit environ quarante minutes plus tard, en me proposant qu’on se voie le samedi suivant, vers dix-neuf heures, au restaurant “Chez Carlos”.

J’attendis dix-sept heures trente pour lui répondre, ne voulant pas paraître pressée de le faire. Je lui confirmai donc le rendez-vous, en le remerciant pour l’invitation, qui, en fait, me convenait particulièrement bien et pourrait peut-être m’aider à éclaircir beaucoup de points dans ma vie actuelle; du moins, c’est un peu ce que j’espérais.

Les deux jours qui me séparaient de notre rendez-vous furent, pour moi, très propices à la réflexion. Je sentais que j’étais à un tournant dans ma vie, dans ma vie professionnelle en tout cas.

Je n’éprouvais plus du tout le même plaisir à aller travailler. De plus, je me sentais très impliquée dans la résolution du mystère de la mort de Tania, mais ressentais une profonde frustration, car un sentiment d’impuissance m’habitait. Il me semblait que je pourrais peut-être faire ce qu’il faut pour contribuer à trouver le ou la coupable de la mort de mon amie, mais je n’avais ni les moyens, ni les ressources nécessaires; et même, par où devrais-je commencer, que devrais-je faire concrètement ?

Ces questions trottaient en permanence dans ma tête, tout au long de la journée; en même temps, elles représentaient comme un défi et, connaissant mon tempérament, les défis, en général, j’adore les relever.

C’est pour ça que, loin de me laisser décourager, au contraire, je cherchais absolument une solution et j’aimais vraiment y penser. C’est, en fait, ce qui me paraissait le plus intéressant à faire.

Résoudre une énigme, confonde un meurtrier pouvait être très excitant; un peu dangereux, en tous cas plus dangereux que de vendre des maisons, c’est sûr, mais je trouvais cela tellement plus excitant.

Je téléphonai à Martine pour voir si elle était libre pour ce vendredi soir, car j’avais envie de parler à quelqu’un et j’aimais bien partager, discuter avec elle. Cette dernière était libre et on convint de se voir chez moi vers vingt heures. Je lui promis de lui préparer un petit repas, ce qui n’eut pas l’air de lui déplaire.

J’aimais bien cuisiner, cela me détendait. Je préparai de l’émincé de veau au curry. J’adore sentir l’odeur du curry se répandre dans ma cuisine. Je gouttai de temps en temps, tout en buvant un verre de vin blanc. Je fus finalement satisfaite du goût. Ma recette devrait plaire à Martine, pensai-je à ce moment-là.

Martine arriva, comme convenu, à vingt heures. Elle était toujours précise, qualité que j’appréciais particulièrement.

Sachant que je préférais une bonne bouteille aux fleurs, elle me tendit une bouteille de vin blanc, que j’acceptai avec plaisir, tout en la remerciant.

Martine était une jeune femme déjà divorcée, comme beaucoup d’ailleurs, sans enfants. Elle profitait un peu de la vie avec l’argent qu’elle gagnait dans l’immobilier. C’était une personne ouverte d’esprit, avec laquelle on pouvait discuter de tout.

Dans notre petite ville, Biddeford, et ses quelque vingt-huit mille habitants à peine, c’est rare de rencontrer des personnes qui ont l’esprit aussi ouvert que Martine.

J’ai beaucoup d’amies à Portland, qui se trouve à environ cinquante kilomètres, et pour nous, habitants de Biddeford, c’est déjà une grande ville avec ses plus de six cent mille habitants.

Souvent, quand on veut suivre des cours, des formations, ou voir des représentations de théâtre et autres, on est bien obligé d’aller à Portland. Moi, j’y vais, je dois dire, avec plaisir.

Installée au bar face à ma cuisine, je commençai à expliquer à Martine que j’avais plein d’idées un peu saugrenues ou peut-être pas autant que ça, enfin, que je m’imaginais de plus en plus en train de faire autre chose que de l’immobilier. “Ok”, me dit-elle, “mais comme quoi ? Tu t’imagines en train de faire quoi ?”, me demanda-t-elle en souriant. “Je n’ose pas te le dire, il me semble que je suis ridicule.” “Si si, vas-y, t’en as déjà trop dit, là !” “Ok. Je m’imagine parfois être détective, mener des enquêtes.” Je lui dis ça d’une traite, rapidement, comme si, en le disant plus vite, ça passerait mieux …

Martine me regarda fixement et me dit : “T’es sérieuse ?”

“Vraiment, tu te vois quitter ton activité pour être détective ?”

“Oui”, lui répondis-je.

“Ecoute, Ellya, ça me surprend, mais pourquoi pas ? Pourquoi pas y penser, imaginer ? Oui, je peux comprendre. Il faudrait simplement avoir un projet solide, enfin, je veux dire, savoir comment faire pour en vivre.”

“Oui, t’as raison, Martine, c’est justement mon soucis, mais plus j’y pense et plus j’ai envie de tenter cette expérience.”

Mon repas était prêt, on se mit à table. Martine apprécia particulièrement mon repas, ce qui me fit plaisir. On était sur le point de finir le repas, quand mon téléphone sonna. C’était ma mère. Je lui promis de la rappeler le lendemain, en lui expliquant que j’étais avec quelqu’un. “Un homme ?”, demanda-t-elle. “Mais non, maman, et puis même, franchement … mais non, je suis avec une amie”, lui répondis-je.

Martine riait. “Ma mère est comme ça”, lui dis-je, “elle veut absolument que je me trouve un homme, que j’aie des enfants. C’est plus pour elle, en fait, car elle aimerait absolument avoir des petits enfants.” “Oui, un peu comme toutes les mères”, me répondit Martine.

“Et concernant cette activité, détective, tu t’es renseignée, tu as des informations ?”, continua-t-elle.

“Non, pas vraiment encore, mais demain je vois Serge, qui est détective … tu sais, je t’avais dit, et je compte bien le bombarder de questions.”

“Ah oui, je vois”, ajouta Martine, “un charmant détective, pour te donner toutes les informations. Et en plus, un ex !” “Non non, Martine, je n’ai aucune idée derrière la tête !”, lui rétorquai-je, “c’est un ex et il le restera.”

La discussion tourna ensuite autour de nos ex. On rigolait bien et l’heure avançait. Il était presque vingt-trois heures trente quand Martine décida de rentrer. Cette soirée nous avait permis d’encore mieux nous connaître et une réelle amitié était en train de naître entre nous.

Pour ma part, j’étais encore en forme. Je décidai de finir la vaisselle et de tout ranger, car, s’il y a bien une chose que je détestais, c’était de me lever le matin, d’arriver dans ma cuisine et de retrouver toutes les affaires de la veille. En plus, c’était samedi et je pourrais faire la grâce matinée, car, à part mon rendez-vous avec Serge, je n’avais pas prévu d’activité particulière, si ce n’est de faire quelques commissions pour la semaine suivante et de tout mettre dans mon congélateur.

Il était huit heures trente ce samedi matin quand mon téléphone sonna. J’étais encore à moitié endormie et avais bien envie de le rester, mais impossible de rester couchée. Ce maudit téléphone n’arrêtait pas de sonner. Je dus me résoudre à me lever et à répondre.

J’avais juste oublié de mettre le répondeur, pas malin de ma part. Un client, qui avait visité un appartement au centre-ville, avait deux ou trois questions et, évidemment, ça ne pouvait pas attendre. Je répondis le plus poliment possible et le plus clairement que je pouvais, n’étant pas sûre que tous mes mots étaient vraiment audibles. Puis, après quinze minutes d’entretien téléphonique, je pus enfin raccrocher.

Quel réveil ! Bon, je ne me voyais pas me recoucher, pas plus que rester debout. Me sentant légèrement contrariée, je décidai immédiatement de me faire un véritable expresso, puis un deuxième, que je bus tranquillement à la cuisine, assise sur le tabouret de mon bar.

Une nouvelle mort foudroyante d’origine inconnue

J’allumai la télévision, je ne sais pas vraiment pourquoi. Peut-être pour me faire croire qu’il y avait de la vie chez moi, car, en fait, je déteste le silence. Je me préparai à aller sous la douche, histoire de me réveiller un peu en douceur, sous une eau bien chaude, quand l’émission qui passait à la télé s’arrêta pour laisser place à une breaking news. On venait de retrouver la femme du maire, Denise Tanner, morte, à côté de sa voiture, juste après qu’elle s’était garée devant un salon de coiffure. Selon les témoins, elle se serait effondrée d’un coup en sortant de sa voiture, comme foudroyée. Immédiatement, les secours étaient arrivés sur place, mais c’était trop tard. Elle était déjà décédée.

Je sentis que mes jambes me lâchaient. Je m’assis immédiatement, complètement abasourdie. Le flash spécial se termina en indiquant que rien ne laissait présager une telle fin, aussi subite qu’inattendue, et que, dans l’état actuel de l’enquête, on ne pouvait absolument pas savoir quelle était la cause de sa mort subite.

C’était presque incroyable. J’étais là, dans mon salon, devant la télévision, et ne savais plus ce que je devais faire. La scène des dernières minutes de vie de Tania revenait en boucle dans ma tête et s’imposait à mon esprit.

Après quelques minutes, je décidai d’aller m’habiller directement, de façon à me réveiller. Cette fois, j’étais bien réveillée.

Comment était-ce possible, une telle similitude, en tout cas en apparence, entre la mort de Tania et celle de la femme du maire ?

Je résonnai et me dis que, certainement, rien ne devait lier ces deux morts tragiques; mais, tout de même, ce type de décès n’arrivant presque jamais, deux en quelques jours, cela faisait beaucoup.

J’étais sur le point de sortir quand le téléphone sonna. Je répondis : “Oui, …” “Ellya, c’est Martine, t’as entendu les nouvelles ?” “Oui”, lui répondis-je, “je suis d’ailleurs encore sous le coup.” Tout de suite, elle me demanda si je pensais qu’il y avait un rapport avec la mort de Tania. “C’est impossible de le savoir dans l’état actuel des informations disponibles”, lui répondis-je. “C’est troublant”, continuais-je, “mais ça n’a peut-être rien à voir.” “Tout de même”, ajouta Martine, “s’il y a un rapport, cela fait de Roger un être encore plus dangereux que ce que l’on pensait.”

“Hum oui”, dis-je à mon tour, “mais voilà, actuellement je doute fort qu’il y ait un rapport, ça me paraît énorme ! Mais bon, on ne peut pas l’exclure et si j’y pense, ça fait froid dans le dos.”

Nous décidâmes de nous rappeler sitôt que nous aurions, l’une ou l’autre, des nouvelles à ce sujet. Je raccrochai et sortis pour aller faire mes courses pour la semaine suivante.

Tout le monde ne parlait que de ça, à la radio, les gens entre eux. Une ambiance inhabituelle régnait en ville, tout le monde s’interrogeait. Était-ce une mort naturelle ou pas ?

Je fis mes courses sans trop savoir ce que je prenais. Je n’avais pas la tête à choisir et à penser à ce que j’allais manger la semaine suivante et, sachant d’avance que je n’aurais pas trop envie de me faire à manger, je me dirigeai vers le rayon des surgelés et choisis plusieurs plats précuisinés. C’était exactement ce qu’il me faudrait, ces prochains jours : de bons petits plats, ne nécessitant aucune préparation.

Je choisis encore deux bouteilles de vin et me dirigeai vers la caisse pour payer. J’avais horreur d’attendre en file indienne pour payer, mais, une chance pour moi, je n’avais qu’une personne devant moi, et qui était sur le point de payer.

Je me dépêchai de payer et de rentrer chez moi afin de mettre tout de suite mes surgelés au congélateur et, surtout, pour rester à l’écoute de la radio et des nouvelles. Mais rien pour le moment, aucune nouvelle concernant cette tragédie.

Dans l’après-midi, Serge m’appela pour confirmer notre rendez-vous du soir, mais en le déplaçant d’une heure, car, me dit-il, il avait eu un imprévu. Il m’expliquerait les détails quand on se verrait.

Je me rendis à l’adresse « Chez Carlos » pour vingt heures. Le restaurant était plein. Seule notre table était libre. Je devais être la première. Je m’assis et pris un apéro en attendant Serge.

Celui-ci arriva à peine cinq minutes après moi. “Désolé”, me dit-il, “j’aime bien arriver le premier quand j’ai rendez-vous, mais là, impossible de faire plus vite.”

Il commanda également un apéro. Je le trouvais séduisant, bien qu’il soit essoufflé et légèrement décoiffé.

“Une des spécialités du restaurant, c’est la pizza, la calzone. Tu devrais y goûter si tu n’as jamais essayé.” J’acceptai et on commanda, en entrée, des petits poissons marinés dans du citron et de l’huile d’olive, ainsi qu’un bonne bouteille de Chianti.

Puis, comme tout le monde ne parlait que de ça, on en vint vite à la tragédie du jour. Il m’expliqua que, justement, c’était à cause de ça qu’il était en retard, car, dans l’après-midi, il avait croisé, en ville, Isabelle, qui n’allait évidemment pas bien du tout.

Je le regardai et lui dis, intriguée : “Et qui est Isabelle ?”

“Mais tu ne te souviens pas d’elle ? C’est la fille du maire.”

“Ah oui ! Mon dieu, je ne l’ai plus vue depuis des années et j’avais complètement oublié qu’ils avaient une fille. En effet, je l’ai croisée deux ou trois fois.” “Oui”, me dit-il, “quand on sortait ensemble, je te l’avais présentée. J’étais allé à l’école avec elle pendant trois ans.”

“Et, justement, il se trouve que je l’ai croisée cet après-midi. Elle n’allait pas bien du tout et on est allé boire un verre. Je voulais lui montrer quelque compassion et qu’elle puisse se confier un peu. Je viens de la quitter, mais elle n’allait pas mieux.”

“En fait, elle m’a expliqué qu’elle avait quitté sa mère le matin et qu’elle avait des douleurs musculaires.” Elle ne marchait pas bien, certes, mais de là à ce qu’il se produise ce qui est arrivé …”

Je commençai à expliquer à Serge que ces deux décès, à la fois celui de Tania et celui de la femme du maire, m’intriguaient énormément et que, en même temps, cela me passionnait, que j’avais envie d’aller plus loin, d’en savoir plus. Je lui dis que, quand j’avais vu comment la police enquêtait, je m’étais tout de suite dit que tout cela était bien léger.

C’est là qu’il m’expliqua qu’en effet, la police de la ville, les enquêteurs n’étaient pas assez nombreux, qu’en plus, on leur donnait des affaires à résoudre qui étaient prioritaires. Il précisa encore, sans grande conviction, que la femme du maire allait certainement être une priorité et qu’ils allaient certainement tout faire pour savoir ce qu’il lui était arrivé, sauf qu’il fallait encore que ce soit bien un homicide et qu’il soit “non classé”, comme une mort naturelle ou inexpliquée.

“Ok, Serge, mais explique-moi : en admettant que je veuille devenir moi-même détective, ça se passerait comment pour moi ? Je dois faire quoi ?”

“Waw, Ellya, mais tu y penses sérieusement ?”

“Oui”, lui dis-je.

“Eh bien, je ne m’attendais pas à une telle question de ta part !”, dit-il. Il but une gorgée de vin tout en me regardant, puis me sourit et me dit : “Finalement, c’est vrai que tu ferais une super détective, et sexy, en plus !”

Je lui souris et lui dis : “Elle va bien, ta copine ?” “Oui”, me répondit-il tout de suite, “je suis bien avec elle, mais je ne retire pas ce que je viens de te dire.”

“Alors sérieusement, comme ça tu envisagerais de quitter ton activité, pourtant lucrative, très lucrative même, dans l’immobilier, pour partir dans l’inconnu ?”

“Justement, Serge, je comptais sur toi pour que ce soit moins de l’inconnu pour moi. Tu exerces cette activité depuis quelques temps déjà. Ça te plaît, alors je me suis dit que tu pourrais peut-être me donner de bons conseils, ton avis ou autre.”

Je lui dis ça à toute vitesse, comme si j’étais en train d’avouer un mensonge, mais je me sentis soulagée une fois dit. Je sentais que ça me faisait du bien d’avoir pu lui dire ce que j’envisageais et sentis qu’il était disposé à me comprendre et à m’aider dans cette démarche.

Nos plats arrivèrent. On se régala. La musique était bonne, l’ambiance très sympathique, dans ce restaurant italien assez chic, mais tout de même très chaleureux. Serge me conta deux enquêtes et des rebondissements, il me décrit des situations, dont certaines étaient particulières, dans lesquelles il pouvait se retrouver parfois.

Puis, ce fut le moment du dessert. On commanda deux Tiramisus et Serge commença à m’expliquer où les cours avaient lieu. “En fait, ce sont des cours par correspondance et tu vas toutes les trois semaines faire un weekend au siège de l’école, à Portland. Il faut y consacrer environ trois heures par jour, un weekend end toutes les trois semaines, pendant six mois, puis faire un stage de quatre semaines dans un bureau de détective.”

“Je pourrais presque, dans un premier temps, commencer le cours tout en gardant mon activité dans l’immobilier ?” “Oui”, me dit immédiatement Serge, “je te conseillerais de faire ainsi. Tu peux même, par la suite, moduler les deux activités, surtout pendant le cours, et diminuer petit à petit ton activité dans l’immobilier, au fur et à mesure que celle de détective se développe.”

J’étais très heureuse et très excitée à l’idée que mon plan pour devenir détective avait l’air de tenir debout, surtout grâce au fait que Serge, en face de moi, me le confirmait.

J’entendis tout à coup “Hello Ellya, ça va bien ?”

Je me retournai, c’était Raymond. “Ah, bonjour Raymond ! Oui, très bien, merci et toi ?” “Magnifique”, me répondit-il, et il ajouta : “Tu connais les bonnes adresses, je vois !”

“On est deux, visiblement, car toi aussi, tu as l’air d’apprécier !” Il me sourit. Je lui présentai Serge, puis il alla rejoindre une jeune femme qui, visiblement, l’attendait.

“C’est le boss de ton agence ?”, me demanda Serge. “Oui oui. C’est drôle de le retrouver là … Enfin, c’est comme ça, les petites villes !” Puis Serge continua à parler de son travail. Il m’expliqua qu’il était maintenant installé au centre-ville, avec un petit bureau discret à l’étage, qu’il avait, comme clients, quelques privés, des particuliers pour des filatures, essentiellement par rapport à des problèmes d’infidélité, ainsi que deux grandes compagnies d’assurances, pour des enquêtes concernant leurs assurés. C’était, selon ses propres mots, une petite affaire qui tournait bien et qui pouvait encore se développer. Il me dit ça d’un air satisfait et un peu pour voir ma réaction, qui fut neutre sur le moment. Enfin, j’essayais de paraître neutre, ne voulant pas m’engager à ce stade de mes démarches.

“Et, concernant Tania, t’as pas de nouvelles ?”, lui demandai-je, “car moi, je n’ai plus eu d’information.” “Rien moi non plus”, répondit Serge, “cela veut dire que, en fait, actuellement, il ne doit pas faire grand-chose, notre ami policier !”

“C’était prévisible, on est bien d’accord ! Manque de temps et d’intérêt réel pour aller plus loin, ça se voyait”, lui dis-je.

“Eh bien, tu sais, Serge”, continuais-je, “tu m’as bien motivée ! J’ai une vision plus claire de ce qui m’attend et très envie de m’inscrire.”

“Génial, Ellya, ça me fait plaisir ! Et n’hésite pas à me mettre en référence lors de ton inscription au cours. Je sais qu’ils demandent si on a un parrain, quelqu’un qui serait déjà dans le métier. Donc, si ça te dit, tu peux mettre mon nom.”

“Merci, et bien oui, excellente idée !”, lui répondis-je. Et, immédiatement, il prit son verre et me dit : “Alors, trinquons à ta nouvelle activité, ou plutôt à ta future nouvelle activité !” Nos verres s’entrechoquèrent et nos regards complices se croisèrent pendant quelques secondes.

Après avoir terminé notre Tiramisu, qui était maison et vraiment excellent, il me proposa un cognac pour finir en beauté le repas. J’hésitai, puis, pour l’occasion, j’acceptai avec plaisir.

Environ une demi-heure plus tard, on quitta le restaurant. Il était vingt-trois heures trente et, bien que Serge m’invitât à boire un dernier verre dans une boîte où se produisait un bon groupe de jazz, je déclinai l’invitation, car j’étais totalement exténuée. Je sentais que la journée et la soirée avaient été riches en émotions et en alcool, c’est pourquoi, je lui promis de lui téléphoner la semaine suivante.

Il venait de me quitter et j’arrivai devant ma voiture, quand j’eus l’étrange impression que l’on m’observait. J’étais en train de mettre la clé de ma voiture dans la serrure, pour ouvrir ma porte, puis je relevai ma tête en direction du bout de la rue et je vis, au même moment, une ombre disparaître précipitamment. Bizarre, cette impression d’être observée. Sans vraiment en avoir la preuve, je me précipitai dans ma voiture, enclenchai le moteur et démarrai rapidement, afin de quitter ce coin, qui me donnait des frissons.

A peine arrivée chez moi, j’enlevai tous mes habits et, après un bref brin de toilette, je plongeai dans mon lit, complètement nue, puis je m’endormis presque instantanément.

Je fis la grasse matinée. Je me réveillai à onze heures et restai au lit jusqu’à midi, sans vraiment m’en rendre compte. Je réfléchissais à comment m’organiser, m’inscrire, puis avertir Raymond, à l’agence, de mes projets, négocier si possible la location de mon bureau à la baisse, car je ne viendrais plus qu’à mi-temps. J’avais également bien envie de me prendre le plus fidèle des compagnons, un chien, mais était-ce vraiment le bon moment ? Enfin, le temps passa trop vite. Il était déjà midi, je me dis que j’allais me lever, m’habiller et me réchauffer un plat déjà cuisiné.

J’allumai la télé et choisis une série qui parlait des aventures d’une troupe de danseurs, une comédie musicale sympathique et, surtout, avec de la bonne musique. Ça mettrait un peu de vie dans ma maison bien vide.

Vers quatorze heures, je décidai de voir les informations. Elles débutèrent avec les premiers résultats de l’enquête sur la mort subite de la femme du maire. Conclusion : impossible de définir les causes exactes du décès. Le chef de la police, dans son communiqué, restait vague. Ce n’était certainement pas un crime, car qui aurait pu en vouloir à ce point à la femme du maire, une femme aimée de toutes et de tous dans notre communauté. Non, impossible ! C’était une mort, dont la cause devait certainement être cherchée en dehors d’un crime et, par conséquent, ne concernait plus la police, mais bien les médecins, la raison étant certainement médicale.

Cela renforça mon sentiment de colère face à la mort injuste de mon amie et me prouva bien que, si le cas de la femme du maire allait très certainement être classé avec la mention “cause inconnue”, ce serait une raison de plus de ne plus espérer une enquête digne de ce nom pour Tania.

Un message post-mortem

Arrivée au bureau, je lus mes courriels. Il y en avait un de Serge, qui me disait combien il avait trouvé sympathique notre souper ensemble, et un autre de Martine, qui voulait m’inviter à son tour chez elle pour une soirée sympa entre filles. Elle organisait une soirée ce vendredi soir avec d’autres amies. Je lui répondis immédiatement que j’étais libre et viendrais avec plaisir.

A midi, je retournai chez moi pour faire une repas léger, vidai ma boîte aux lettres et découvris une lettre qui me parut étrange, différente des autres. L’enveloppe était faite d’un papier plus épais et portait l’adresse de l’expéditeur imprimée en lettres dorées, où apparaissait le nom de Maître John Smith. Immédiatement, je l’ouvris et sentis mes jambes à nouveau vaciller. J’étais invitée à passer à son étude, ce jeudi à quatorze heures, afin de recevoir un document que m’aurait laissé une personne qui m’était chère.

Ce verbe “être” à l’imparfait me fit des frissons dans le dos. Qui est-ce qui m’était chère, et avec qui je ne serais plus en contact maintenant, pouvait bien m’écrire en laissant le message chez un avocat ?

A part Tania, je ne voyais pas qui. Mais pourquoi Tania aurait-elle agi ainsi ?

D’un coup, je m’emparai de l’inscription à l’école de détective, la remplis avec une terrible détermination, mis Serge comme parrain de ma candidature, la signai immédiatement et la glissai dans l’enveloppe-réponse.

Voilà, j’étais soulagée. Je la mis dans ma serviette, avec mes autres dossiers, afin de l’envoyer l’après-midi même.

J’avais beau essayer de penser à autre chose, de m’occuper avec mon travail, mais impossible de ne pas penser à cette invitation à me rendre chez cet avocat. Et je dois avouer que, pendant les jours qui suivirent, cela ne cessa de me préoccuper.

Enfin, le jour “J” arriva. L’heure du rendez-vous approchait. J’arrivai dix minutes en avance chez l’avocat. Sa secrétaire me fit patienter dans un petit salon feutré, rempli de meubles d’époque et, enfin, je l’entendis venir à ma porte, l’ouvrir, et me dire ces mots que j’attendais depuis plusieurs jours : “Maître Smith vous attend, vous pouvez me suivre.”

Après m’avoir serré la main, un peu trop fort à mon goût, il me fit m’asseoir et immédiatement passa au vif du sujet.

“Si je vous ai demandé de venir, c’est parce que votre amie Tania m’a remis une lettre, que je devais vous remettre en mains propres s’il devait lui arriver quelque chose.”

“Je suis désolé pour cette démarche un peu tardive, mais j’étais en vacances et je n’ai appris son décès qu’il y a une semaine.”

“Voici la lettre en question. Je vous demanderai simplement de me signer ce document, en échange de la lettre.”

Je dois dire que le simple fait d’apposer ma signature sur ce document me demanda un effort inhabituel, car j’étais pétrifiée, comme paralysée. Je parvins à peine à bredouiller quelques mots. Je remerciai l’avocat et me précipitai hors de son étude afin d’ouvrir la lettre, le souffle court. J’entendais mon cœur battre violemment en ouvrant le plus soigneusement possible la lettre de Tania.

Je m’assis sur un banc et commençai à lire : « Bonjour Ellya, si tu lis cette lettre, c’est que, malheureusement, ce que je redoutais est arrivé. Voilà ce qui se passe : ça parait tellement incroyable que même moi je n’arrive pas à y croire. Tout a commencé il y a une année. Je suis allée faire un weekend avec un ami, un très bon ami, dans un motel, à environ une demi-heure de la ville et, le soir, en regardant par la fenêtre, j’ai vu mon père sortir d’une chambre avec une femme, que je voyais très mal, et entrer dans sa voiture, ce qui, déjà en soi, est énorme comme choc pour moi. Mais ce n’est pas tout. Nous avions pris ma voiture pour faire notre weekend en amoureux et j’étais parquée, en fait, juste à côté de lui. Je l’ai vu regarder la voiture, puis les plaques, comme s’il voulait savoir si c’était bien ma voiture. Après avoir vu ma plaque et son numéro, il a regardé rapidement dans tous les sens pour voir si j’étais dans le coin. J’ai juste eu le temps de baisser ma tête de derrière la fenêtre; je crois qu’il ne m’a pas vue, mais je n’en suis pas sûre.

Mais voilà, le plus étrange, c’est que la semaine suivante, après avoir été chez mes parents, je me suis sentie bizarre. Je n’ai, en fait, pas fait le rapprochement tout de suite entre mes douleurs, mes malaises, et ma visite hebdomadaire chez mes parents. Mais après quelques semaines, j’ai commencé à réfléchir et j’ai réalisé que, premièrement, c’est après avoir surpris mon père que j’ai commencé à être malade, et que, deuxièmement, c’était toujours après avoir été chez eux que le mal empirait.

Les médecins, et j’en ai fait vraiment beaucoup, ne trouvent rien.

Je n’ai osé en parler à personne dans mon entourage, car ce n’est pas possible pour moi de soupçonner pareillement mon père. Mais voilà, dans le cas où il m’arriverait quelque chose, je voulais que quelqu’un le sache. Je t’ai donc naturellement choisie, toi que je considère comme ma sœur.

Je t’embrasse et espère que tu pourras convaincre la police d’analyser de plus près les faits concernant mon père et, à travers l’autopsie, trouver ce qui m’est arrivé. Dans le cas où ça devrait être un acte criminel, je souhaiterais que celui qui en est l’auteur soit trainé en justice et mis hors d’état de nuire, même si c’est mon père.

Signé Tania.

J’étais effondrée. Tania n’avait jamais laissé supposer qu’elle était si mal, ni à son entourage, ni à moi, sa meilleure amie; et, en plus, elle portait de terribles soupçons sur son père. Ça devait être horrible de vivre comme ça, et sans vraiment savoir ce qu’il lui arrivait.

J’étais vraiment sous le choc. J’allai immédiatement boire un express, puis un deuxième, dans un coffee shop juste à côté. J’étais dans un état impossible à définir.

Je décidai d’appeler Martine et lui dis, en quelques mots, que j’avais une nouvelle incroyable et que j’avais besoin de parler à quelqu’un. Elle me dit qu’elle me rejoindrait au coffee shop, qu’elle serait là dans moins de quinze minutes.

Je lisais et relisais la lettre posthume de Tania. Je devais bien en être à la cinquième relecture, quand Martine arriva et s’assit en face de moi. Elle était essoufflée. On voyait qu’elle avait dû se dépêcher et qu’elle était impatiente d’entendre ce que j’avais à lui dire.

La serveuse vint prendre la commande de Martine; je repris également un expresso.

“Tu ne devineras jamais”, dis-je à Martine, en lui tendant la lettre que m’avait remise le notaire. Elle la saisit et commença à lire.

“Incroyable !”, me dit-elle.

Elle en avait les larmes aux yeux, se ressaisit, puis me dit : “Mais comment a-t-elle fait pour cacher ces terribles soupçons à tout le monde ?”

“C’est exactement la question que je me suis posée après avoir lu sa lettre”, lui répondis-je.

“Elle devait vivre avec ce terrible secret”, ajoutai-je, “sans même être sûre de ce qu’elle devait croire ou ne pas croire. Je pense que le fait de ne pas savoir vraiment devait être très dur à vivre pour elle, mais on ne le saura jamais vraiment !”

“Qu’en penses-tu, Martine, que dois-je faire avec cette lettre ?”

Sans hésiter, elle me dit de la montrer premièrement à Serge et de lui demander également s’il pouvait se renseigner auprès de son ami enquêteur pour voir pourquoi les conclusions concernant la femme du maire étaient que ça devait être une mort inexpliquée, mais pas un meurtre. Ce que nous devions savoir, c’est : qu’avaient-ils vraiment fait pour obtenir des éclaircissements, car, me dit-elle, “N’as-tu pas l’impression que c’est un drôle de hasard, ces deux morts inexpliquées ? Ne seraient-elles pas liées ?”

“Tu as raison, Martine, mais voilà, la question m’a traversé l’esprit également. En quoi ces deux femmes, qui sont d’un milieu totalement différent, qui ne se connaissaient certainement pas, en quoi ont-elles quelque chose en commun ? Pire encore : en quoi ont-elles quelque chose en commun qui conduirait à une mort inexpliquée ?”

Martine me dit que la seule personne que ces deux femmes pourraient avoir en commun, c’était le père de Tania. “Qui sait vraiment si Roger ne connaissait pas la femme du maire ?”, ajouta Martine.

“Ça fait beaucoup de questions sans réponse”, lui répondis-je, “et j’ai vraiment envie d’avoir des réponses !”

“Et si t’appelais Serge, ton ami détective !”, me dit-elle en me faisant un clin d’œil. “Mais il n’y a rien entre nous !”, m’empressai-je d’affirmer immédiatement. “Vraiment ?”, ajouta-t-elle. “Oui oui, enfin plus grand-chose.” Et je lui souris.

“Appelle-le !”, me dit-elle, “Décris-lui la lettre de Tania et vois s’il ne pourrait pas en parler à son ami inspecteur de police. Comment s’appelle-t-il, déjà ?”

“Claude Barzin”, lui dis-je. “Oui, j’essaie toute de suite d’appeler Serge !” Je m’emparai du téléphone et composai son numéro de portable. “Allo oui, Serge. Salut, c’est Ellya, je te dérange, là ?” “Non, pas du tout !”, me répondit-il. Je lui expliquai en quelques mots mon rendez-vous chez l’avocat et, quand il apprit que j’étais avec Martine au restaurant, il me proposa de se joindre à nous, ce qui, évidemment, m’arrangea énormément.

Il arriva quelques minutes plus tard, toujours aussi élégant et sexy, ce qui ravit Martine, dont le visage se fendit d’un sourire lui reliant les deux oreilles.

Il nous offrit un verre. On prit tous un verre de vin blanc et je lui racontai en détail les derniers évènements. Plus j’en parlais, plus je trouvai cette histoire incroyable. Mais je ne pouvais qu’y croire, vu que c’était à moi, ou plutôt à ma meilleure amie, et indirectement à moi, que ça arrivait.

Martine interrogea Serge, en lui demandant s’il était possible de savoir en quoi l’enquête officielle des deux affaires, celle de Tania et celle de la femme du maire, avançait ou pas.

“Je vais tout de suite essayer d’atteindre Claude sur son portable”, dit Serge. Il composa le numéro. “Oui, salut Claude, c’est Serge. Je te dérange ?” “Non non”, répondit Claude, ce qui permit de l’informer brièvement. Celui-ci ne dit rien de plus, de vraiment étonnant. “Mais où en sont les enquêtes ?”, demanda Serge. “Au point mort, ou devrais-je dire : presque au point final, à moins d’un rebondissement important, car les médecins légistes ne pouvant pas conclure à un meurtre ou à une mort qui ne serait pas naturelle, on ne peut pas aller plus loin. Dans les deux cas, on parle de mort inexpliquée.”

Serge remercia Claude et raccrocha. “Pas très encourageant, tout ça !” Puis il nous raconta ce que Claude lui avait dit.

“Pas très perspicace, notre police ! Enfin, je n’en dirai pas plus !”, rajouta Serge, en nous regardant toutes les deux.

Je regardai Serge et lui dis que je ne voulais pas en rester là, car, franchement, même si on ne pouvait pas conclure à une mort due à un acte criminel, on ne pouvait pas non plus en déduire qu’elle était vraiment naturelle, et ceci dans les deux cas.

“C’est vrai”, me répondit Serge, “et ça commence à m’intriguer sérieusement moi aussi !”

Martine, qui dévorait des yeux Serge, lui suggéra de nous aider à résoudre ces deux énigmes, car la mort de Tania et celle de la femme du maire avaient des chances d’être liées. “Mais qu’est-ce que deux femmes inexpérimentées pouvaient bien espérer ?”, dit Martine en souriant.

“Waw, Martine, comme tu y vas ! Et ce regard !”, lui dis-je. Inexpérimentées ! Eh bien, parle pour toi, car moi je compte bien apprendre et devenir une enquêtrice professionnelle ou détective, si tu préfères !”

“Ok, ok, dit Serge, pas de problème ! De toute façon, vous avez réussi, à vous deux, à me persuader que quelque chose de très bizarre s’était passé dans les deux cas et je pense également qu’il y a des chances que les deux affaires soient liées, bien qu’à ce stade, rien ne puisse le prouver. Mais c’est justement ce qui est intéressant dans cette affaire. En plus, si une famille comme celle du maire y est mêlée, ça pimente encore plus cette énigme.”

Serge me regarda en souriant et me dit : “Alors, Ellya, c’est ta première affaire et notre première affaire si tu me veux comme associé !”

Je levai mon verre et lui dis : “Ok, à notre première affaire ! Mais il va falloir me guider de a à z ! Nos deux verres s’entrechoquèrent et il me dit : “Pas de problème, compte sur moi ! Je vais te guider pas à pas.” Et Martine trinqua avec nous, en nous suppliant presque de la tenir informée, ce que nous lui promîmes.

Puis, en nous regardant chacun à son tour, elle nous dit : “Mais peut-être que je pourrais même être un élément important dans votre enquête ? Si Roger, le père de Tania, est tenu pour responsable, car, qui a subi la même chose ? Qui le connaît le mieux entre les trois ? Moi ! Alors, faites-moi une petite place dans votre enquête !”

On sourit tous les deux et on avoua qu’en effet, ses arguments étaient plus que pertinents.

Martine nous dit qu’elle ne pourrait pas l’approcher sans éveiller ses soupçons, mais qu’elle connaissait tout de même bien le personnage, ses habitudes, entre autres, comme par exemple son penchant pour les femmes !

“Quoi, que veux-tu dire par là, Martine ?”, lui dis-je.

“Que, tout simplement, je l’ai soupçonné plusieurs fois de me tromper pendant que nous étions ensemble, mais que je n’en ai jamais eu la preuve, juste des odeurs de parfums, des absences jusque tard dans la nuit, mais rien qui me permettait de prouver qu’il m’était infidèle.”

“Tu as vraiment été sympa de retirer ta plainte contre lui”, lui dit Serge, “car pour un homme que tu soupçonnais de t’avoir trompée et qui, en plus, avait peut-être tenté de t’empoisonner, c’était un beau cadeau venant de toi ! Tu ne trouves pas ?”

“En effet”, lui répondit Martine, “mais voilà, si c’était à refaire, je déciderais peut-être autre chose; mais à l’époque, le fait de pouvoir vivre sans histoire, loin de tout procès, et de pouvoir rapidement tourner la page, pour commencer une nouvelle vie, l’a emporté sur le reste !”

“Je comprends, je vois ce que tu veux dire”, lui répondit Serge, et je me joignis à ses propos : “c’est vrai que parfois, on a juste envie de tourner la page, même si l’on sait qu’il faudrait aller plus loin pour prouver à l’autre qu’il a vraiment eu tort. Mais voilà, tout à un prix et, parfois, on a juste envie d’avoir la paix !” “Exact !”, répondit Martine.

“Alors, Ellya, tu t’es inscrite au cours ?”, demanda Serge.

“Oui, oui, je viens d’envoyer ma demande à l’école. Ils disent qu’il faut attendre environ dix jours et, à ce moment-là, je saurai si je suis prise et quand commence le cours. En attendant, je vais informer Raymond de ma décision et voir avec lui si je peux lui louer mon bureau à mi-temps au lieu du cent pour cent actuel.”

“Excellent, Ellya ! Alors, si tu veux, nous pourrions nous voir ces prochains jours pour faire le point sur notre première enquête. Nous pourrions l’appeler “L’affaire Tania” et elle engloberait également l’affaire de Denise Taner, la femme du maire.”

“Très bonne idée, Serge, c’est quand tu veux !”, lui répondis-je enthousiasmée.

Il regarda Martine et lui promit également de l’inviter à l’occasion, une fois que nous aurions mis au point une stratégie d’enquête avec Ellya, afin qu’elle puisse apporter des éléments, informations, au sujet de Roger, le père de Tania, puisque l’enquête allait se focaliser sur lui au début.

Martine était enchantée. “Waw”, dit-elle, “je vais déjà réfléchir à quels éléments pourraient être intéressants pour vous et … Hum, moi j’ai une petite faim après tout ça, pas vous ?”

“Oh que oui !”, lui répondit-on presque en cœur, Serge et moi, après quelques minutes d’hésitation. On commanda trois pizzas et une carafe de vin rouge de la maison, la cuvée du patron.

Après une heure de franche rigolade, après avoir bien mangé et pris un bon café, chacun décida de retourner chez lui. “J’attends ton appel ou ton email, Serge !”, lui dis-je. “Ok, Ellya, je regarde mon planning et je te tiens au courant demain.”

Je fis quelques pas avec Martine, qui était parquée dans la même rue que moi, et, pas de chance, on avait toutes les deux oublié que nos places de parc étaient limitées à une heure de parcage, ce qui fait que l’on s’est retrouvée, chacune, avec une jolie amende ! “Bon”, me dit Martine, “c’est une fin de journée un peu chère, mais ça en valait la peine !” “En effet”, lui répondis-je en souriant. C’est d’ailleurs bien la première fois que je souriais après avoir reçu une amende, mais, cette fois, rien ne semblait pouvoir me mettre de mauvaise humeur, tellement j’étais excitée à l’idée de tout ce qui m’arrivait et de tout ce que j’allais faire.

Des informations inédites sur le passé du maire de Biddeford

Arrivée chez moi, je me mis en petite tenue après avoir fermé tous les rideaux. Je me fis un bon feu de cheminée et me couchai devant ma télé. J’étais en train de zapper d’une chaîne à l’autre quand, tout à coup, une image attira mon attention. C’était la photo du maire. Un reportage sur le maire, et ses relations parfois douteuses, était annoncé dans un délai de cinq minutes, un reportage fait par des journalistes de New York, qui s’adonnaient à une série d’enquêtes sur les maires de différentes villes à travers les Etats-Unis.

Je me dis que ça pourrait être intéressant d’en savoir plus sur lui, car, en fin de compte, que savais-je ou connaissais-je vraiment à son sujet ? Pas grand-chose, ou ce que les journaux du coin racontaient, c’est-à-dire toujours la même chose : ses études, sa famille, un homme rangé, presque parfait, à en écouter les différents médias de la ville.

Je me fis en vitesse un théière. L’eau était juste arrivée à ébullition quand l’émission commença. Rapidement, je versai l’eau bouillante sur la boule à thé, que je m’étais dépêchée de mettre dans la théière, non sans en mettre à côté, mais bon, j’essayerais plus tard si nécessaire. Là, je me précipitai sur la commande pour augmenter le son, tout en me versant une tasse de thé, puis je m’assis confortablement dans mon fauteuil en face de la télé, avec la ferme envie de suivre, du début à la fin, cette émission, qui tombait à pic.

Le reportage commença avec l’enfance du maire. En fait, il était né et avait vécu à New York jusqu’à l’âge de douze ans. On le vit à l’école, dans son quartier, fils unique d’un cordonnier et d’une femme de ménage, qui avaient immigré d’Allemagne.

Le reportage s’attarda un peu sur le quartier où il vécut; ce n’était pas un quartier trop défavorisé, mais, tout de même, pas non plus un quartier très sécuritaire. Si les gens avaient quelques moyens, un travail, ils ne roulaient pas pour autant sur l’or.

Il y avait beaucoup d’immigrants, en autres, italiens, et il se trouve qu’un de ses meilleurs amis d’enfance n’était autre que le fils d’un parrain d’une famille mafieuse, qui commençait à faire parler d’elle à New York. En effet, elle prenait gentiment le contrôle du marché de la drogue et de la prostitution dans toute une partie de la ville, ce qui eut pour conséquence que Ricardo, le copain de Paul, ne tarda pas à déménager du quartier pour en rejoindre un plus huppé, là où les maisons étaient très grandes et ne valaient pas moins de plusieurs centaines de milliers de dollars.

Ce qui était intéressant, et c’est ce que les deux journalistes qui ont mené l’enquête soulignèrent, c’était que Paul était resté ami avec Ricardo, même une fois que celui-ci eut déménagé, et qu’ils étaient même devenus inséparables, au point que Paul restait souvent chez Ricardo pour dormir.

Les journalistes précisèrent encore qu’en fait, Paul était presque devenu un membre de la famille Ricci. Souvent, comme il restait dormir chez eux, il mangeait avec toute la famille en début de soirée, ce qui lui faisait côtoyer les parents, frères et oncles de Ricardo, tous les membres de la famille, qui allait devenir la plus puissante du crime organisé quelques années plus tard.

N’oublions pas que, maintenant, c’est Ricardo qui dirige la famille, le clan. Alors qu’en est-t-il de sa relation avec Paul, qui, lui, est devenu le maire d’une petite ville à quelque cinq cents kilomètres de New York ?

Les journalistes soulignèrent également les nombreux voyages du maire à New York, mais ce dernier ne fit aucun autre commentaire que : “Je vais simplement rendre visite à mes parents, qui sont âgés maintenant !”

Peut-être, mais est-ce qu’il ne voit que ses parents ?

Difficile à dire, car les journalistes ne répondent pas à cette question; mais ce qui est certain, c’est qu’aussi bien Ricardo Ricci que le maire Paul Tanner, ne répondent pas franchement, encore moins clairement, à la question : êtes-vous toujours en contact tous les deux ?

Puis, l’enquête des journalistes porta ensuite sur la réputation un peu sulfureuse que l’on accorde au maire. Il semblerait que certaines femmes, jeunes en général, aient été ses maîtresses. Quelques-unes parmi elles auraient même bénéficié de quelques largesses, afin qu’elles ne révèlent pas leurs relations, car, pour un homme en vue, qui a des ambitions politiques, être marié et accusé par une femme d’être l’amant de celle-ci est le meilleur moyen pour ruiner définitivement ladite carrière.

Puis, l’enquête révéla également comment un homme, parti de rien, mais qui visiblement devait avoir de puissants soutiens, arriva dans une petite ville comme un parfait inconnu et se retrouva maire après quelques années, tout en ayant de bonnes chances de devenir sénateur dans quelques années également.

Ce court reportage d’environ vingt minutes était une véritable source d’informations pour les habitants de Biddeford, car les journalistes du coin n’avaient jamais enquêté au sujet du maire. Y avaient-ils seulement pensé ?

Cela ne se fait pas, dans une petite ville, et cela serait certainement très mal vu et source de bien des tensions, au sein d’une petite communauté où presque tout le monde se connaît.

Jamais je n’aurais imaginé que le maire de ma ville fût ce genre d’homme. Mais bon, concernant la mort de sa femme, est-ce que cela changeait quelque chose ? Et concernant Tania ?

Je ne voyais pas comment les deux affaires pouvaient être liées et le fait que le maire puisse être impliqué dans le meurtre de sa femme, et éventuellement de Tania, me paraissait invraisemblable. Non, la thèse du père de Tania était bien plus plausible.

On a tout de même la lettre de Tania et le témoignage de Martine. Ce sont des faits, des faits accablants.

Maintenant, je me disais que je voudrais bien avoir l’avis de Serge. Je me demandais s’il avait vu le reportage. De toute façon, je lui parlerais, c’est sûr, et il pourrait toujours le regarder sur le site de l’émission.

On est vendredi. Enfin, la fin de semaine s’approche et je vais pouvoir me détendre. J’ai encore un rendez-vous avec Raymond, pour finaliser notre accord concernant mon bureau.

Je le rejoignis à neuf heures trente, comme convenu. Il m’invita à m’asseoir et, tout de suite, on argumenta chacun de son côté, afin de convaincre l’autre. Avec Raymond, vendeur dans l’âme, c’est presque un jeu !

Puis, finalement, sous le coup de dix heures, on tomba d’accord. Je paierais légèrement plus que la moitié du loyer que je verse actuellement et je pourrais profiter du bureau tous les matins, ainsi que le soir, à partir de dix-huit heures.

Cet arrangement était parfait pour moi et, bien que facile à obtenir, j’étais heureuse de voir que Raymond avait finalement accepté.

Je retournai à mon bureau, allumai mon ordinateur, puis ouvris ma boîte email. Je la parcourus brièvement, quand, subitement, je vis apparaître le nom de l’école de détective. C’est génial, ils m’écrivent déjà ! me dis-je à moi-même. En un clic, j’ouvrai et je commençai à lire le courriel :

“Chère Madame, nous avons le plaisir de …”, mais mon téléphone sonna. Je continuai en vitesse à lire le courriel, puis jetai un coup d’œil à mon téléphone pour voir qui appelait. C’était Martine. Je décrochai immédiatement !

“Martine, oui, tu appelles au bon moment. Je viens de recevoir la confirmation de mon inscription au cours et, donc, de l’acceptation de mon dossier. Ils me disent que je vais recevoir la première partie dans trois jours maximum. C’est vraiment trop génial !

Elle me proposa que l’on se voie à midi, ce que j’acceptai en déplaçant simplement l’heure à douze heures quarante-cinq, car je devais faire visiter un appartement à onze heures quinze, soit dix minutes après. “Je te laisse, Martine, à tout de suite !”, lui dis-je. “Ok”, me répondit-elle, “bye, et sois prudente ! Tu m’as l’air bien excitée !”

En effet. Je me rendis à ma voiture et mis de la musique de relaxation pour essayer de me calmer, car j’ai le vilain défaut d’être terriblement tête en l’air quand je suis dans cet état.

Je me rendis au parking de la ville afin d’y parquer ma voiture pour les deux prochaines heures, ne désirant pas avoir à nouveau une amende. La visite se passa bien.

En sortant du parking, je passai devant quelques boutiques et, alors que je regardais dans l’une d’elle, j’eus l’impression d’être observée. Je vis dans le reflet de la vitrine qu’un homme me regardait depuis l’autre côté du trottoir. Le temps que je me retourne, celui-ci avait déjà détourné la tête, mais j’eus tout de même l’occasion de voir qui c’était. J’eus un grand frisson dans le dos quand je réalisai que c’était Roger, le père de Tania.

Il pensait que je ne le verrais pas m’observer. Parfois, regarder les vitrines a du bon, me dis-je; puis, je me ressaisis. C’est vrai que l’école n’était pas très loin et qu’en fait, je me trouvais sur le chemin qu’il prenait tous le jours pour rentrer chez lui. Je tentai de me calmer en me disant cela. Il aura certainement essayé de voir si c’était vraiment moi, car je devais avoir bien changé depuis la dernière fois qu’il m’avait vue.

J’arrivai presque à l’heure au restaurant. Martine m’y attendait à une table pour deux, près de la fenêtre.

Je lui fis la bise et je vis le regard d’un homme, assis deux tables plus loin, s’attarder longuement sur Martine. Je m’assis et lui dis qu’elle avait un admirateur et, en plus, pas trop discret. “Où ça ?”, me répondit-elle.

“Martine, Martine, mais ouvre les yeux !”, lui dis-je. “Tu ne vas plus jamais sortir avec un homme, si tu continues !”, ajoutai-je en souriant.

“T’es bête !”, me fit-elle.

“Mais, en plus, t’as raison !”, dit-elle, “Il est plutôt bel homme, tu ne trouves pas ?”

“Pas à mon goût”, répliquai-je, “mais bel homme, peut-être … Oui, mais c’est toi qu’il regarde !” En même temps que je lui répondais, je la vis lui répondre par un sourire discret, puis elle se pencha vers moi et me dit : “Tu crois qu’il a vu ?”

“Qu’il a vu quoi ?”

“Mais Ellya, tu fais exprès ou quoi ? … Crois-tu qu’il ait vu que je lui avais fait un petit sourire ?”

“Ah ! Eh bien, je ne sais pas, mais tu verras bien s’il continue à te regarder ! Mais bon, j’ai soif et …” La serveuse me coupa presque la parole en disant : “Bonjour, je suis Nadine, que désirez-vous boire ?”

“Un énorme verre de limonade !, lui dis-je, “J’ai trop soif pour prendre autre chose !” “Et toi, Martine, tu veux quoi ?” “La même chose que toi !”, répondit-elle en se penchant légèrement pour regarder discrètement si son bel inconnu la regardait encore.

Je sortis de mon sac le courriel que j’avais imprimé. Je le tenais comme un trophée, très fière de moi. Je le tendis à Martine, qui le parcourut rapidement. “En effet, ça a l’air d’être très bien organisé et intéressant !”, me dit-elle.

Le courriel présentait déjà la matière qui sera traitée dans le premier cours et donnait des indications quant au temps nécessaire pour l’étudier chez soi, la date des deux jours à l’école de Portland, ce qui, une fois l’examen du premier niveau réussi, permettait de passer au niveau suivant.

Après avoir bu notre limonade, on commanda l’assiette du jour, plus un verre de vin chacune, et c’est Martine qui, la première, vint sur le sujet du reportage concernant le maire.

“J’ai été tellement surprise par le courriel de l’école que j’ ai presque oublié que je voulais t’en parler !”

Pour Martine, c’était évident que le maire avait de fortes chances d’avoir gardé des contacts avec la famille Ricci, en tout cas, très certainement avec Ricardo, son copain d’enfance, puisque rien dans le reportage laissait supposer le contraire : aucune querelle, ni aucun problème connu, ne semblaient les avoir séparés.

“Tu as raison, Martine, je pense comme toi et c’est vrai que ce reportage ne doit pas vraiment lui faire plaisir, car il pourrait bien s’avérer peu positif, voire pas positif du tout, pour sa carrière politique.

“Mais toi, Ellya, que penses-tu de la mort de sa femme et de son éventuelle implication ?”

“Pas grand-chose ! Je ne crois pas qu’un homme public et carriériste ait vraiment intérêt à ce que ce genre d’évènements se produise chez lui. Il sait bien que les électeurs adorent les belles familles unies. Tu sais, Martine, comme sur la traditionnelle photo, où tout le monde affiche un grand sourire, où chaque membre de la famille respire le bonheur … !”

“Oui oui, je vois tout à fait ce que tu veux dire, Ellya ! Moi, je pense également qu’il préférerait faire n’importe quel compromis, mais éviter à tout prix tout ce qui peut ternir cette belle image de famille unie. Elle peut tellement lui servir pour avancer dans sa carrière politique, ou en tant qu’homme public en général !

Une nouvelle rencontre avec un individu charmant, mais peut-être pas seulement !

Nous étions sur le point de finir notre dessert, quand l’homme fort élégant passa à côté de notre table et salua Martine, en s’inclinant légèrement. Voyant que celle-ci lui répondit par un charmant sourire, il se permit de s’approcher de notre table, en lui disant qu’il ne voudrait pas paraître mal élevé, mais qu’il voulait absolument pouvoir se présenter : “Pietro Ramoni, un habitué de ce restaurant; depuis peu, trader à la retraite et admirateur inconditionnel des beaux yeux de …” Il regarda Martine. “Oh oui”, dit-elle, “je suis Martine Blanchard, agent immobilier, et toujours sensible aux compliments !”

“Martine ! Je peux vous appeler Martine ?” “Pourquoi pas, Monsieur Pietro !” Il sourit. “Je vous en prie, Martine, oubliez le “Monsieur”, juste Pietro !” “Très bien !”, répondit Martine.

“Je ne veux pas vous importuner plus longtemps, mais pourrais-je vous demander votre carte d’affaires, car je cherche justement un objet immobilier et peut-être pourriez-vous m’aider ?”

“Avec plaisir !”, lui répondit-elle, tout en cherchant dans son sac une carte de l’agence immobilière, qu’elle lui tendit.

“Magnifique ! Je vous envoie un courriel ou je vous téléphone, ok ?”

“Comme vous voulez, Pietro !”

“Alors, je vous dis à bientôt, Martine !” Il lui tendit la main et prit la sienne pour lui faire un baise-main : “enchanté d’avoir fait votre connaissance, Martine !” “C’est réciproque !”, répondit-elle.

Puis il sortit.

“Waw !”, dit Ellya, “Eh bien, là, quel gentleman !”

“Il est trop mignon, avec son baise-main en partant, mais je ne savais plus où me mettre !”

“Ecoute, Martine, des hommes comme ça, il n’y en a plus beaucoup ! Il est un peu vieux jeu, mais c’est tellement agréable, un homme courtois et attentionné !”

“C’est vrai, Ellya, je verrai bien s’il m’appelle !”

“Ça, crois-moi, ce n’est pas la question. C’est sûr qu’il va t’appeler ! Parole d’Ellya.”

Après cet agréable pause déjeuner avec Martine, je me rendis au bureau et décidai de rentrer sous le coup de seize heures. J’avais très envie de me retrouver chez moi et de réfléchir à ma première enquête, qui serait consacrée à la mémoire de Tania. Je veux absolument pouvoir dire de quoi ma meilleure amie est morte, en être certaine et, surtout, s’il y a un coupable, qu’il soit arrêté et jugé !

Arrivée à la maison, je voulus me détendre, mais le téléphone sonna après cinq minutes et je me retrouvai avec ma mère au bout du fil, qui voulait m’inviter pour le dimanche suivant. J’acceptai avec plaisir, car je n’avais pas revu mes parents depuis quelques semaines. Ils n’habitent pas loin de chez moi, mais comme ils sont retraités et adorent voyager, ils sont souvent en Floride, dans leur maison de vacances, et là, justement, ils venaient de rentrer après trois mois de vacances au soleil.

Je me réjouissais de les revoir et m’assis derrière mon bureau pour réfléchir aux évènements, aux faits marquants et irréfutables, qui avaient marqué le décès de Tania, puis ceux de Denise Tanner, la femme du maire.

Tania avait surpris son père avec une autre femme, pensais-je. Depuis, elle avait eu des douleurs inexpliquées, semblables à celles qu’avaient eues Martine quand elle vivait avec Roger, qui, par la suite, deviendrait le père de Tania.

Je repris la lettre que j’avais reçue chez l’avocat, lettre incroyable, et je la lus et la relus. Pas de doute, Tania avait vraiment de forts soupçons concernant son père, car rien ne pouvait expliquer cette étrange coïncidence, des douleurs indéfinissables, juste après avoir surpris son père avec une autre femme. C’était la seule explication, bien qu’invraisemblable, que Tania avait trouvée et, en plus, si elle avait su qu’une autre femme avait ressenti les mêmes douleurs à cause de son père, elle aurait été bien plus horrifiée, pensai-je. Peut-être que les médecins auraient pu faire quelque chose pour la sauver ?

Cette question me tourmentait et m’enrageait.

Le témoignage que m’avait fait Martine, concernant la tentative d’empoisonnement qu’elle avait subie de la part de Roger, était pour moi la preuve qu’il fallait absolument commencer rapidement l’enquête et l’orienter exclusivement dans la direction de la vie privée de Roger.

Cet homme était visiblement immoral et, en plus, il était prêt à tout pour continuer sa petite vie de professeur, qui devait lui donner une certaine aura et autorité auprès de bien des femmes.

A ce stade de ma réflexion, j’étais persuadée que, dans l’intérêt de notre future enquête avec Serge, -puisque, je ne devais pas l’oublier, c’était grâce à lui que je pourrais commencer mes premières investigations-, c’était en enquêtant sur Roger que nous avions le plus de chance de faire avancer l’enquête dans la bonne direction.

Le lendemain, Martine m’envoya un courriel me disant que Pietro Ramoni l’avait invitée, dans le même restaurant que celui où ils s’étaient connus, pour un souper et pour discuter officiellement de sa recherche de maison dans la région. Une fois le rendez-vous fixé au vendredi suivant à vingt heures, elle me fit également part de son excitation, qu’elle avait du mal à définir, pour cette rencontre, cette première rencontre en tête à tête, avec un homme qu’elle ne connaissait pas encore, mais par lequel elle se sentait terriblement attirée.

“Suis-je en train de faire une bêtise ?”, me demanda Martine.

Je lui renvoyai une réponse rapide à son courriel en lui disant que je ne voyais par pourquoi ce serait une bêtise, que chacun d’eux étant adulte et, lui, ne proposant rien de particulier en dehors d’un souper et d’une discussion sur l’immobilier avec une femme, elle-même, agent immobilier, non, à ce stade, il n’y avait pas de quoi parler de “bêtise”. “Rien à dire !”, lui répondis-je.

Je continuai en lui disant que c’était à elle de définir jusqu’où elle désirait que leur relation aille, car certainement que ce cher Pietro ne désirait pas en rester à une simple discussion dans un restaurant !

Je cliquai sur la touche “envoyer” et me préparai pour mon futur rendez-vous. J’avais rendez-vous avec un homme, qui avait fixé rendez-vous pour visiter une maison, une grande maison à plus de deux cent cinquante mille dollars, dans le quartier huppé de notre ville, Biddeford.

Cette maison était en bout de quartier et accessible par un chemin, qui bénéficiait d’un droit de passage accordé par un autre propriétaire, ce qui pouvait représenter un inconvénient pour la vente. J’avais donc pris des informations auprès d’un notaire, afin de savoir comment le futur et nouveau propriétaire pourrait procéder afin que le droit d’accès à sa propriété lui soit garanti de façon notariée. Je venais de recevoir, par courriel, une réponse du notaire, à qui je faisais appel pour la plupart de mes affaires.

Je lus et notai avec précision ses conseils, afin de pouvoir les transmettre à mon client dans le cas où il serait réellement intéressé par l’achat de la propriété en question.

Je me rendis ensuite au bureau, bien que ce soit samedi, afin d’assister à une petite réunion des agents, Raymond nous ayant conviés à ce rendez-vous, qui allait durer environ une heure. Il voulait nous faire part des dernières nouveautés concernant le droit de courtage dans l’immobilier.

Il faut dire que l’association des agents immobiliers devenait de plus en plus puissante, ce qui représentait certains avantages, mais aussi des inconvénients, car de plus en plus de rapports, papiers officiels ou autres, étaient demandés et de plus en plus de règles incontournables devaient être respectées pour exercer notre profession.

Je devais être la seule à me rendre à cette réunion le cœur léger, car j’avais plus en tête ma carrière en tant que détective que celle en tant qu’agent immobilier. Cependant, je comprenais mes collègues, qui investissaient souvent plus de cinquante heures de travail hebdomadairement et qui savaient que chacune de ces nouvelles réunions pouvait représenter un surplus de travail, parfois important, pouvant se traduire en plusieurs heures supplémentaires par semaine.

Comme dans toutes les réunions de ce type, et tout particulièrement à la fin de ces dernières, tout le monde était un peu dépité, car, à nouveau, les exigences de l’association allaient créer une augmentation de travail conséquente, plus des démarches un peu inutiles, donc peu motivantes, selon le quatre-vingt-dix pour-cent des agents présents lors de cette réunion.

Je réalisai également que j’étais heureuse de m’investir à fond dans ma nouvelle activité, surtout dans l’apprentissage de ce nouveau métier, pour moi, au lieu de devoir focaliser mon attention sur des directives plutôt ridicules.

Je décidai d’aller acheter un bel ensemble floral pour ma mère et, une fois que je l’eus trouvé, je partis acheter une bouteille de vin rouge, afin d’avoir quelque chose à offrir à mon père ce dimanche.

J’eus une pensée pour Martine, ce samedi soir, car elle avait rendez-vous avec son gentlemen. Puis, je me fis un petit repas, que je pris au salon, devant ma télévision.

Le reste de la soirée, je la passai à regarder un film, tout en me disant que ça pourrait être sympathique de me trouver quelqu’un, un petit ami. Avec la vie un peu mouvementée que j’avais mené ces derniers temps, il ne m’était resté que peu de place pour ma vie sentimentale. Je devrais même dire qu’elle était au point mort depuis bien des mois.

Puis, sous le coup de vingt-deux heures trente, une fois le film terminé, je me couchai, toujours en manque de câlins. Je me surpris, pour la première fois depuis longtemps, à manquer de la présence d’un homme dans mon lit. J’aurais adoré, à ce moment-là, sentir ses mains sur moi, puis son corps aller et venir au-dessus de moi et en moi !

Je m’endormis finalement vers vingt-trois heures et dormis, sans me réveiller, jusqu’à huit heures du matin. Pour moi, c’était plutôt tard, car, en général, même le dimanche, je me lève vers sept heures, maximum sept heures trente.

Je me réjouissais de retrouver mes parents et décidai de prendre une bonne douche, puis un bon déjeuner, avant de sortir faire quelques pas. Cela me permettrait de réfléchir et d’avoir fait un minimum d’activité physique avant d’aller chez mes parents, car, quand je vais chez eux le dimanche, le repas est plutôt copieux et ce n’est pas après un tel repas que je pourrais faire de l’exercice. Bien qu’encore jeune, je dois commencer à faire attention à mon poids, à plus forte raison parce que j’aime bien les bons petits plats et le vin qui les accompagne.

Tout en marchant d’un bon pas, je me dis qu’il serait bien d’avoir une stratégie bien définie pour en savoir plus au sujet du père de Tania. Il me fallait connaître ses habitudes, savoir qui il fréquentait, où il sortait, afin de voir si une de ces activités ne pourrait pas nous donner un élément de réponse quant à sa culpabilité. Et je dois dire que, secrètement, je rêvais de plus que ça. Je souhaitais trouver une preuve qui pourrait le relier aux deux morts suspectes, celle de Tania et celle de la femme du maire.

Arrivée chez moi, je me détendis en lisant le journal, les actualités du jour, sur ma tablette. Tout à coup, le téléphone sonna. C’était Martine, trop impatiente de me raconter sa soirée avec Pietro Ramoni.

“Tu sais Ellya”, me dit Martine, “cette soirée était vraiment sympathique et Pietro toujours aussi galant, du début à la fin. Je dois dire que j’ai un bon feeling avec lui et je t’avouerais que je suis plutôt séduite.”

“Je m’en doutais”, répondis-je, “tu es trop enthousiaste pour ne pas être totalement sous le charme. Mais attention, tu ne sais encore pas grand-chose de lui !”

“Détrompe-toi, tu sais, nous avons vraiment beaucoup discuté, partagé, et il m’a paru vraiment très sincère. Il m’a beaucoup parlé de lui et on a aussi un peu discuté de sa recherche de maison en ville. Je pense que je vais pouvoir l’aider dans ce sens.”

“Oui, Martine, tu vas pouvoir l’aider dans ce sens, mais pas seulement … Enfin, je n’en dirai pas plus, mais tu vois ce que je veux dire ?”

“Oui, bien sûr ! Quand même, je ne suis pas née de la dernière pluie, comme on dit. Mais les choses se feront naturellement, au rythme de nos rencontres, sans rien forcer, et on verra bien où ça nous mène.”

“Oh, mais dis-moi, Martine, il n’a rien tenté, même pas en te disant au revoir ?”

“Ok, ok, j’ai dû un peu le retenir, mais il est resté très correct et m’a embrassée, mais juste sur les joues !”, me dit-elle en rigolant.

“C’est un début, mais quel gentlemen, en effet !”, lui dis-je.

Puis, on convint, Martine et moi, de se voir la semaine suivante au fitness.

J’arrivai ce dimanche matin à onze heures quarante-cinq chez mes parents, qui m’accueillirent chaleureusement. C’est vrai que, bien qu’ayant plus de septante ans, ils sont encore en pleine forme et mènent une belle vie, sans problème majeur.

“Alors, Ellya, viens !”, dit ma mère, “on a préparé l’apéro ! Raconte-nous un peu ta vie. Ça fait quelques semaines que nous n’avons plus vraiment eu le temps de discuter !” “Oui, merci … Ecoute, maman, je vais super bien et j’ai beaucoup de choses à vous raconter !”

“Mais nous aussi, Ellya, nous aussi !”, me dit mon père.

“Mais tout d’abord”, me dit ma mère, “comment te remets-tu de la mort de Tania ?”

“Je vais un peu mieux. Surtout, je reprends courage et j’ai pris de grandes décisions, à commencer par … Hum, je ne sais pas si je peux vous le dire comme ça, mais bon … je me lance. J’ai décidé de changer progressivement d’activité professionnelle et, donc, de devenir détective, puis de commencer ma propre enquête afin d’avoir la preuve formelle, soit que la mort de Tania est naturelle, soit qu’elle ne l’est pas.”

“Wow, wow !” C’est l’exclamation préférée de mon père quand il n’arrive plus à me suivre dans mon raisonnement. “Mais là, t’es un agent immobilier, qui s’est fait sa place ici, en ville. Tu gagnes bien ta vie et tu veux progressivement tout quitter pour enquêter sur la mort tragique de ton amie ? D’accord, mais après, une fois que tu auras fini l’enquête, et en admettant qu’elle aboutisse sur un résultat concret, que feras-tu ?”

“Ecoute, papa, c’est simple. Je mènerai d’autres enquêtes, je continuerai, car, figure-toi que ce n’est pas juste pour enquêter sur la mort de Tania que je change de travail, mais bien parce que devenir détective devient de plus en plus une passion, une envie irrésistible, tout simplement. Et j’ai un âge où l’on peut facilement changer de métier. Je ne suis pas mariée, je n’ai pas d’enfants, donc aucune contrainte particulière, pas de comptes à rendre non plus, à part à vous !”, lui dis-je, en rigolant.

“Bien, et t’as d’autres nouvelles comme ça à nous annoncer ?”, me répondit-il, en souriant.

“Non”, lui dis-je, “je ne vois pas autre chose pour le moment, mon papounet !”

“Bien, alors on peut trinquer, car maintenant il me faut un verre !”, répondit-il. Ayant suivi attentivement tout ce qui s’était dit et étant de nature plus réservée, ma mère réfléchissait, mais elle trinqua, en étant, je crois, heureuse pour moi.

“Oui, ça a été une grande décision et, pour moi, ce sera comme un nouveau départ. Et puis, je ne serai pas toute seule dans cette nouvelle aventure professionnelle !” “Vraiment ?”, me dit ma mère, “mais que veux-tu dire par là ?”

“Eh bien, j’ai croisé Serge; vous savez, mon ancien petit ami …” “Bien sûr qu’on s’en souvient !”, me répondirent-ils en se regardant. “Eh bien, il est détective. Maintenant, il a même sa propre agence et il m’a proposé de m’aider, de m’aider professionnellement, je précise”, car je voyais déjà le petit sourire de ma mère indiquant qu’elle imaginait une relation entre lui et moi, qui allait bien plus loin qu’une simple relation professionnelle.

“Rien que ça !”, me dit mon père, “Bon, et bien si tu le dis ! Et alors, comment vas-tu faire ?”

“Je me suis inscrite à un cours, un cours par correspondance, et j’irai parfois en salle de classe à Portland, le weekend. C’est très bien organisé et, en attendant, je travaillerai à mi-temps à l’agence immobilière.”

“Alors c’est bien, ma fille !”, me dit mon père. “Tu sais que je suis pour qu’on fasse ce qu’il nous plaît dans la vie et tu suis ma voie, alors je te souhaite bonne chance !” “Et moi aussi !”, répéta immédiatement ma mère en m’embrassant.

Pendant que ma mère allait à la cuisine et que mon père cherchait la bouteille de vin rouge pour le repas, je me disais que j’avais bien de la chance d’avoir des parents aussi compréhensifs et ouverts d’esprit.

Le repas fut excellent, comme toujours avec ma mère. Ils me racontèrent leur séjour en Floride, à Boca Raton, où ils ont acheté un appartement, il y a maintenant une dizaine d’année.

“En dehors d’une alerte ouragan, qui a perturbé pendant trois jours la vie de tout le monde dans cette partie de la Floride, tout s’est bien passé”, dit mon père. “Nous nous sommes fait beaucoup d’amis sur place, des américains, des canadiens et même quelques français !”, ajouta ma mère.

“Mais nous avons surtout fréquenté un homme fort sympathique, qui nous a invités sur son bateau, et pas n’importe quel bateau !”, dit mon père en me tendant deux photos. “On peut parler d’un beau bateau, car il vaut facilement plus de cent mille dollars ! Et on est allé pour la première fois au Bahamas, sur un yacht privé, c’est incroyable ! Regarde, Ellya, là on mange à la marina de Nassau”, précisa-t-il en me tendant d’autres photos.

Je regardais tranquillement les photos quand il me dit : “Mais, au fait, tu peux regarder ces photos sur la tablette, car, ta mère et moi, on s’est mis au numérique, et elles seront encore plus grandes !”

“Ok”, lui dis-je. Je commençai à faire passer les photos sur la tablette quand je sentis mon cœur s’accélérer d’un coup. “Mais, mais qu’y a-t-il, Ellya ?”, me demanda ma mère.

“La personne qui est avec vous, là, regardez !” “Oui, et bien ?”, me dit ma mère étonnée. “Mais qui est-ce ?”, lui demandai-je.

“C’est notre ami, le propriétaire du bateau”, me répondit mon père.

“Mais cet homme, je viens de faire sa connaissance, enfin, pas moi directement, mais Martine ma copine ! Je suis à peu près sûre … comment s’appelle-t-il ?”

“Pietro Ramoni”, me répondit ma mère.

“C’est ça, c’est lui ! C’est bien ce nom !” Je n’en revenais pas. Cet homme, si courtois, si galant, qui faisait la cour à Martine, était, en plus, un ami de mes parents en Floride !”

“Mais il vit ici, maintenant ?”, leur demandai-je ?

“Oui, mais c’est tout récent !”, me répondit mon père. “Il vient de déménager de New York et, maintenant qu’il est à la retraite, il veut vivre dans des petites villes comme Biddeford et Boca Raton.”

“Mais tu dis que tu le connais ?”, me demanda mon père ?

Je lui parlai de mon souper avec Martine et de ce gentleman, qui nous avait abordées et qui avait commencé à discuter avec Martine, ainsi que de son rendez-vous avec lui, il y a quelques jours.

“Ah, et bien là, tu peux dire que c’est incroyable !”, me dit mon père. “En effet, quelle coïncidence, c’est presque impensable !”, lui répondis-je.

“Le monde est vraiment petit !”, s’exprima ma mère. “Devoir aller jusqu’en Floride pour connaître un homme de New York, qui, finalement, vient s’installer dans notre petite ville, c’est énorme, pour parler comme dirait un jeune !”

“C’est énorme, maman, tu as parfaitement raison !”, confirmai-je.

On passa au dessert. Puis, vers quinze heures trente, je les quittai après avoir passé un excellent moment. Ça faisait du bien de les retrouver en pleine forme et toujours avec pleins de projets.

Ce lundi matin, je me sentais en pleine forme, après un agréable dimanche chez mes parents, mais j’étais tout de même un peu étonnée et presque suspicieuse au sujet de Pietro Ramoni, car, les coïncidences, j’y crois, mais bon, c’est très, très étonnant, cette affaire ! J’envoyai un courriel à Martine, juste pour lui dire qu’elle m’appelle afin qu’on fixe rendez-vous au fitness et pour l’informer que j’avais une information étonnante, de laquelle je voulais lui faire part rapidement.

En consultant mes courriels, je vis que l’école de détective venait de m’envoyer une information, ainsi que le début de mon cours par correspondance, sous forme de livres électroniques, en PDF, faciles à lire et à modifier.

C’était la première classe par correspondance qui recevrait tout le support du cours par courriel, en pièces jointes, sous la forme de documents PDF, facilement imprimables si nécessaire, mais surtout consultables sur tous les supports, tablettes, ordinateurs et même Smartphone dans mon cas.

Il y aurait même des vidéos. J’étais excitée. Le courriel disait encore que, vu que toute la matière du cours avait été numérisée, bien que contrôlée, il suffisait de les avertir au cas où je rencontrerais un problème avec un des documents attachés aux différents courriels que j’allais recevoir.

Pour le moment, j’ouvris le plan précis du cours, avec toutes les matières qui seraient étudiées, puis un deuxième document afin de lire la première leçon.

Mais très vite, je dus refermer le tout, car le téléphone sonna et je dus répondre à plusieurs questions d’un de mes clients. Ensuite, ce fut Martine qui m’appela pour me demander si je voulais aller au fitness entre midi et deux heures, ce que j’acceptai. Je la fis patienter pour lui dire ensuite ce que j’avais appris au sujet de Pietro Ramoni et de sa rencontre avec mes parents.

Arrivée au fitness, je me changeai, puis profitai que j’avais un peu d’avance pour faire vingt minutes de vélo et de step; puis, j’aperçus Martine qui me faisait signe. Elle me rejoignit vers le tapis de course et on profita de faire nos exercices à nos engins préférés pendant que ceux-ci étaient libres. On arrêta notre entraînement vers treize heures quinze.

Après une bonne douche, on se retrouva à l’espace détente et bar du fitness pour boire quelque chose; surtout boire, après un tel entraînement ! Puis, on mangea un peu, quelque chose de léger et de totalement végétarien, car ça nous allait très bien après notre séance d’exercices.

“Alors, Ellya, raconte-moi vite ! Que voulais-tu me dire ? Tu m’as paru bien mystérieuse, est-ce grave ?”

“Non, pas du tout, Martine, rassure-toi !”

“Mais bon, voilà, ce dimanche je suis allée manger chez mes parents, qui rentraient de Floride, et ils m’ont raconté leurs vacances, montré leurs photos, et, devine qui j’ai vu avec eux ?”

“Ben là, Ellya, je ne vois pas, mais alors pas du tout !”

“Tu ne devineras jamais !” “En effet !”, répondit Martine. “Et bien”, continuai-je, “figure-toi que mes parents ont passé la plupart de leur temps, pendant leur dernières vacances en Floride, avec, avec … Pietro Ramoni !”

“Quoi ! Non, mais tu plaisantes ou bien ???”

“Non, absolument pas ! Mais tu sais, Martine, je n’ai rien appris de différent à son sujet que ce que tu m’as déjà dit. Il a tenu le même discours à mes parents. Non, rien à dire, c’est juste que je trouvais tellement incroyable cette coïncidence, le fait que mes parents fassent connaissance avec lui quelques semaines avant nous, ou, devrais-je dire, surtout avec toi, que j’étais un peu intriguée et voulais vite te le dire, tout simplement !”

“Tout simplement !”, me répondit Martine, “C’est impressionnant ! Mais bon, il n’y a rien de louche dans tout ça, ou tu penses qu’il faut que je me méfie de lui ?”

“Non ! Tu sais, Martine, je ne veux pas que tu le suspectes. Et de quoi, en plus ? Non, je voulais juste te le dire, mais ça ne doit rien changer entre vous !”

“Ok, Ellya, je pense que tu as raison. Et, alors, parle-moi maintenant de ton cours ! Tu as des nouvelles, selon ce que tu m’as dit ?”

“Oui, je suis terriblement excitée à l’idée de commencer, mais je ne veux pas t’ennuyer avec ça. J’ai pris quelques exemples des sujets qui seront traités et …” “Mais tu peux me les montrer, Ellya, ça m’intéresse vraiment !”, me dit Martine en me coupant presque la parole.

“Extra ! Regarde, voici quelques exemples de sujets que je vais étudier. Alors, voyons … oui … on a :

Le métier de détective, son cahier des charges, ses responsabilités

Matériel électronique et technique en général

Etude du code pénal lié à notre profession

Comment rechercher et trouver des témoins ?

Comment remplir correctement des procès-verbaux, rapports, etc.

Espionner ou se protéger avec un ordinateur et internet

Tout ce qui concerne la filature, techniques, etc.

Comment trouver plus facilement des indices ?

Surveiller sans être vu, toutes les techniques

Etude sommaire, mais pratique, de la graphologie

Savoir distinguer un incendie naturel d’un incendie criminel

Initiation à la médecine légale

Les démarches administratives pour ouvrir sa propre agence.”

“Mais ça m’a l’air vraiment passionnant”, me dit Martine, “je ne pensais pas que c’était un cours aussi complet ! Je t’envierais presque !”

“C’est trop génial, en effet, et si certaines choses t’intéressent, dis-le-moi ! On peut étudier ensemble certaines parties du cours.” “Ah oui”, me répondit Martine, “très bonne idée !”

Il venait de sonner quatorze heures et nous nous dépêchâmes de sortir, car nous avions toutes les deux un après-midi bien chargé, avec des rendez-vous pour des visites de maisons et d’appartements qui se suivaient les uns après les autres. Et, en général, quand c’est comme ça, cela signifie : beaucoup de retard pour les deux derniers rendez-vous, en tout cas. Donc, pas question d’arriver en retard au premier rendez-vous !

Je fis la bise à Martine et partis immédiatement à mon premier rendez-vous, non loin de là.

Société énigmatique, mystérieux investisseur et relation intime avec un ex

Ce soir-là, j’arrivai chez moi exténuée, sous le coup des dix-neuf heures, et me rendis compte que je n’avais pas pris le temps de penser à mon souper. Je me précipitai vers mon réfrigérateur, affamée, et, heureusement, j’avais encore un dernier plat surgelé qui me faisait envie. Je le mis immédiatement au micro-onde, bien déterminée à ne pas attendre plus longtemps pour manger.

Puis, je passai le reste de ma soirée à lire le début de la théorie de mon cours sur ma tablette, à moitié couchée sur mon divan; mais j’étais tellement bien dans cette position que je restai ainsi jusqu’à vingt-deux heures trente, non sans avoir regardé les dernières news.

Ce matin, je devais me rendre chez le notaire pour onze heures. La dernière visite que j’avais faite avec un de mes clients s’étant conclue par un accord sur le prix de vente et, donc, rendait possible l’acte de vente définitif et notarié.

Durant mon trajet chez le notaire, j’écoutai la radio locale et, pendant le rappel des titres à dix heures quarante-cinq, il fut question d’un investissement important pour un complexe sportif, réunissant piscine et tennis, à la sortie de la ville. Jusque-là, rien de bien spécial, sauf que le présentateur indiqua qu’une polémique commençait à enfler sur un étrange investisseur inconnu, qui injecterait des millions dans ce complexe. En fait, il était question d’une entreprise, dont on ne savait rien et dont le siège était situé au Delaware. Mais, toujours selon la rumeur, il semblerait que le maire ait permis une procédure accélérée, afin que le terrain agricole puisse être transformé en terrain à construire, en partie pour le complexe sportif, mais également pour quelques maisons résidentielles. Le journaliste précisa que le sujet serait développé dans le journal d’onze heures, ce qui me contraria, car, évidemment, c’était juste l’heure à laquelle j’allais être occupée à faire signer mon client chez le notaire.

Toutefois, je me dis que, ce midi, je rentrerais chez moi et que je me ferais livrer une pizza. Cela me permettrait de regarder, à la télé, le développement de cette nouvelle affaire concernant le maire, ce qui, en général, signifiait obtenir bien plus d’informations que par les nouvelles diffusées à la radio.

Mon rendez-vous s’étant bien passé, surtout le notaire n’ayant pas de retard, je me retrouvai à onze heures trente-cinq au volant de ma voiture, prête à rentrer chez moi.

J’en profitai pour téléphoner, avec la touche mains libres, à la pizzeria de mon quartier, afin de me faire livrer une pizza directement à mon domicile. Je dois dire que j’étais vraiment impatiente d’en savoir plus sur cette affaire immobilière, car je savais que, pour faire dézoner une parcelle et lui donner une autre attribution, cela pouvait prendre des années; de plus, je n’avais jamais entendu qu’il était question d’un dézonage et encore moins de la construction d’un complexe sportif à la sortie de la ville, ce qui, pour un agent immobilier comme moi, paraissait impossible; car, en général, nous, les agents immobiliers, nous sommes les premiers avertis, me dis-je à moi-même, tout en arrivant devant mon domicile.

Je m’installai confortablement devant ma télévision et suivis le journal télévisé, les news, en différé, afin de pouvoir regarder depuis le début. Mais à peine assise, alors que j’étais sur le point de commencer à regarder, j’entendis la sonnerie de ma porte d’entrée retentir. Je me levai rapidement et, sans surprise, aperçus le livreur de pizza sur le pas-de-porte, qui, en plus d’une pizza bien chaude, m’amenait également un grand gobelet de limonade, que j’avais profité de commander en même temps, car mon réfrigérateur était bientôt totalement vide. Cette situation m’obligeait à me faire livrer mes repas, mais j’y prenais goût, n’ayant aucune envie de me faire à manger.

Je m’installai à mon bar et me mis juste en face de la télé, appuyai sur Play et commençai enfin à regarder les news. Je n’eus pas besoin d’appuyer sur la touche “avance rapide”, car cela commençait immédiatement avec le reportage sur le fameux complexe sportif et le mystérieux investisseur.

Ce qui intriguait le journaliste qui avait fait le reportage et, ensuite, on peut le dire, toutes les personnes qui en furent au fur et à mesure informées, c’était le côté peu conventionnel de cette affaire.

En effet, personne, à part le maire et le service de l’urbanisme, non, personne n’était au courant des démarches en cours. Rien n’avait filtré. En plus, tout s’était déroulé à une vitesse incroyable. Il avait fallu moins de cinq mois pour que le zonage soit modifié, les plans soumis, le terrain acheté, et pour que, finalement, la communauté soit informée du projet juste au moment de la publication officielle de dépôt des plans pour obtenir le permis de construire, qui permettrait de commencer les travaux. Toute cette précipitation pouvait bien en intriguer plus d’un.

Il est vrai que, dans cette zone, il n’y a pas de voisins directs qui pourraient prétendre subir des nuisances, donc le risque qu’il y ait des oppositions est faible. Mais, tout de même, il faudra certainement aménager la route, l’élargir, créer de nouvelles lignes d’accès pour les transports en commun et bien d’autres choses.

De plus, l’implication du maire dans ce dossier, pour que chaque étape soit traitée rapidement, fera encore « jaser » pendant longtemps.

Le journaliste n’a pu obtenir qu’une brève interview du maire, qui n’a fait que répéter la même chose : “c’est bon pour la ville, c’est nécessaire pour attirer de nouveaux contribuables, cela va rendre notre ville très attractive et c’est nécessaire pour son bon développement dans les années à venir.”

Il aurait donc agi uniquement pour le bien de toute la communauté et on devrait lui dire merci, à en croire ce qu’il dit !

Puis, le reportage tenta d’apporter un peu d’information sur une société inscrite au Delaware et qui, à elle seule, allait financer et représenter plus de quatre-vingts pour-cent de l’investissement total.

A ce propos, la chaîne de télévision diffusant le reportage affirme avoir reçu d’un “corbeau”, donc d’une personne tenant à rester totalement anonyme, car elle prétend que sa vie pourrait être menacée si elle révélait son identité, des informations très précises concernant ladite société. Il semblerait qu’elle ait des liens directs avec une famille mafieuse de New York, qui désire laver son argent sale, en d’autres termes, blanchir son argent par le biais de grandes opérations financières et plus spécialement dans l’immobilier. Pour ce faire, ils ont besoin de la complicité de femmes et d’hommes influents dans leur région, afin d’obtenir ces affaires rapidement et avec le moins de complications possible, autrement dit, avec le moins de questions possible et donc de réponses à donner à leur sujet. Et, à nouveau, le nom du maire refait surface comme étant très directement impliqué dans cette affaire. “Mais”, comme le dit le reporter, “tant que la source de ces divulgations ne voudra pas se faire connaître, ni donner des preuves plus concrètes, il sera impossible d’aller plus loin sans risquer une plainte du maire contre notre chaîne …, ce que nous tenons bien évidemment à éviter !”, s’empressa d’ajouter le reporter.

“Pour terminer, …”, dit-il, “le “corbeau” prétend qu’il pourra amener plus de preuves à l’avenir, vérifiables, cette fois-ci, mais il ne dit pas quand, car l’enquête sera longue et compliquée pour lui.”

Je finis ma pizza à peu près en même temps que le reportage, qui, finalement, soulevait beaucoup de questions, de doutes, notamment au sujet du maire, mais qui, pour le moment, en restait au stade de la rumeur.

Une enquête, me dis-je, va être difficile à réaliser par des personnes habitant Biddeford, à cause de la pression des autorités et peut-être même de la population, car, finalement, personne n’a vraiment intérêt à refuser un tel complexe pour sa ville, surtout quand il ne coûte presque rien, pour ne pas dire rien du tout, au contribuable.

Je me fis un café, tout en me disant que la politique, ce n’était vraiment pas pour moi. Il y a trop de choses cachées et à cacher, sans doute, afin de se maintenir au pouvoir ou afin d’en avoir toujours plus !

Cet après-midi, je n’avais pas de rendez-vous et décidai de commencer à étudier mon cours.

Après environ une heure de lecture et de prise de notes, je décidai de faire une petite pause. Je bus un verre d’eau et commençai à réfléchir à ce qui devrait être le point de départ de l’enquête concernant la mort de Tania. Mais je me rendis vite à l’évidence : seule une filature du père de Tania, afin de connaître un peu mieux ses habitudes, qui il fréquente, pourrait me faire avancer dans cette enquête. J’y avais déjà réfléchi auparavant et étais déjà arrivée à la même conclusion. Maintenant, ce qu’il fallait, c’est que je prenne les choses en main et que je commence concrètement mon enquête. Mais je devais avancer rapidement dans mon cours afin d’agir immédiatement comme une vraie détective et il fallait également que j’en parle dès que possible à Serge, afin qu’il puisse m’aider à commencer cette enquête, pratiquement.

Je décidai d’appeler Serge, qui répondit très rapidement : “Bonjour, Serge, c’est Ellya, je te dérange ?”

“Je suis en filature, je ne pourrai pas parler longtemps.” Je lui proposai donc, rapidement, de se voir. Je l’invitai pour le soir même, s’il était libre, ce qui était le cas, et je conclus par : “Je t’attends pour dix-neuf heures trente ! A tout de suite, bye !”

J’avais de la chance de pouvoir compter sur l’avis d’un ami et expert, puisque qu’il était du métier.

Sur BreakNews, ma chaîne préférée, que j’avais laissée comme bruit de fond, ils annonçaient une très grosse tempête pour ce soir, plus de trente-cinq centimètres de neige et des vents violents. Un bandeau défilait en permanence et toutes les cinq minutes, la journaliste le rappelait en disant de rester chez soi ce soir.

Je vérifiai que j’aie assez de bougies, de batteries pour mes lampes de poches entre autres, car, parfois, tempête égale panne d’électricité.

Je me dis que Serge n’était peut-être pas au courant de cette tempête et qu’il m’appellerait certainement pour déplacer notre rendez-vous, mais cela ne fut pas le cas.

Il commença à neiger sérieusement vers dix-sept heures et, sous le coup de dix-neuf heures trente, je vis arriver mon Serge totalement recouvert de neige, bien qu’il ait pu parquer devant ma maison.

On s’embrassa chaleureusement et il se mit immédiatement devant le feu de cheminée, que j’avais lancé une heure auparavant. “Mon dieu, Ellya”, me dit-il, “le ciel m’est tombé sur la tête ! Déjà vingt centimètres en une heure et demie !”

“Je te sers un apéro ? Je sais que tu aimes le whisky !”, lui dis-je en souriant, ce qu’il accepta immédiatement. “Oui, rien de tel pour se réchauffer, au coin d’un bon feu, en plus !” Je me servis un verre de vin blanc et on trinqua tous les deux, assis devant le feu, regardant la neige tomber dehors pendant quelques secondes, comme deux enfants. Puis, il me dit : “Dis donc, ça sent vraiment bon !” “Merci !”, lui répondis-je, “et justement, je vais aller baisser la température de cuisson, car ça serait dommage que ce soit trop cuit !”

Je mis une petite musique d’ambiance et on s’assit rapidement à table pour souper. On parla de choses et d’autres, des derniers films que l’on avait vus et, une fois qu’on eut terminé de manger, il me dit : “Alors, comme ça, tu as commencé ton cours ?”

“Oui, et tu sais, Serge, j’ai vraiment envie de commencer cette enquête sur la mort de Tania, ma première enquête, ou plutôt devrais-je dire, notre première enquête, si tu veux bien m’aider ?”

Je lui fis mon regard de jeune femme désemparée, qui le faisait en général craquer.

“Oh, je vois !”, me dit-il. “Tu peux dire notre enquête, car ça m’intéresse autant que toi de savoir ce qu’il s’est passé pour Tania et je pense qu’il pourrait y avoir des ramifications étonnantes concernant cette affaire, car la mort de la femme du maire présente des similitudes troublantes, également dans le minutage, vu qu’elle survient peu de temps après celle de Tania.”

“La première chose qu’il faut faire, c’est prendre en filature Roger à la sortie de l’école, au moins trois fois par semaine, pendant deux semaines de suite, afin de pouvoir avoir une meilleure idée de ce qu’il fait; puis, par exemple, le prendre en filature le samedi, le samedi soir, surtout.”

“Ensuite, on pourra faire un premier bilan basé sur nos filatures.”

“Je te propose de regarder quand tu pourrais commencer et te suggère de m’accompagner pendant toutes les filatures, de façon à ce que tu puisses apprendre les techniques nécessaires, indispensables pour une bonne filature. Je t’apprendrai à voir, sans être vue.”

“Génial !”, m’exclamai-je.

“Tu veux un café, Serge ?” “Oui !”, me répondit-il, mais à peine m’avait-il répondu que tout s’arrêta d’un coup, la musique, la lumière; enfin bref, une coupure totale d’électricité venait de se produire et, puisque presque tout fonctionnait à l’électricité, on se retrouva dans le noir.

Même les lumières de l’éclairage publique n’avaient pas résisté. Le noir total s’était installé. Seul mon feu allumé, heureusement, éclairait encore un peu mon salon, ce qui me permit d’aller chercher les bougies et les allumettes, et de commencer à les allumer et à les placer tout autour et au centre de mon salon.

On enclencha la radio, qui, elle, fonctionnait grâce à mes piles toutes neuves, et on écouta les dernières nouvelles météo, qui n’étaient vraiment pas bonnes. Ils annonçaient presque vingt-quatre heures de tempête non-stop, une accumulation importante de neige et, malheureusement, des coupures d’électricité, qui risquaient de durer, car les conditions dans lesquelles les réparateurs travaillent généralement sont pénibles, parfois même impossibles. Il fallait patienter et ne pas bouger de chez soi !

Je regardai Serge et lui dit en souriant : “alors, tu es prêt à dormir dans mon salon ?”

“On dirait que je n’ai pas trop le choix, mais ça ne doit pas être trop désagréable, à voir le confort de ton canapé !”, me répondit-il.

“Non non ! En fait, on a de la chaleur avec la cheminée; il faudra juste remettre du bois de temps en temps et les grosses bougies vont nous donner de la lumière pendant quelques heures. Ma cuisinière, heureusement, fonctionne au gaz. Je vais d’ailleurs tout de suite nous faire du thé et du café, ça te dit ?”

“Bien volontiers ! Après toutes ces émotions, je boirais un litre de thé, si je m’écoutais”, me répondit Serge.

On but une tasse de thé et on discuta encore quelques minutes, puis je me dirigeai dans ma chambre, car j’étais vraiment fatiguée. Serge promit de s’occuper du feu pendant la nuit et je laissai la porte de ma chambre ouverte afin de laisser entrer la chaleur provenant de la cheminée.

Vers trois heures du matin, je me réveillai et me levai pour aller dans la cuisine. Il faisait froid dans la maison, pas plus de quinze degrés. Serge était debout, devant la cheminée, en train de remettre du bois. Je n’avais plus pensé que j’étais vêtue d’une petite nuisette très courte et très transparente, qui laissait apparaître toutes les formes de ma silhouette. Serge tourna la tête dans ma direction et me dit : “waw, tu es splendide, comme une fée hyper-sexy qui apparaîtrait dans mon rêve !” Du coup, je sentis une bouffée de chaleur monter en moi. Je me rendis compte de ma tenue très légère; j’avais totalement oublié que je n’étais pas seule chez moi, étant à moitié endormie !

“Oh, excuse Serge, je vais aller me mettre un pyjama !” “Non non, ne te dérange pas pour moi, je me retourne, je regarde ailleurs. Fait seulement ce que tu voulais faire !”

Je vais donc me verser une tasse de thé et lui demande s’il neige toujours. “Oui”, me répond-il, “et l’électricité n’a toujours pas été rétablie !”

“J’ai également soif”, me dit-il, “le feu de cheminée m’a desséché la bouche !”

“Mon pauvre Serge, tu as dormi un peu, tout de même ?”

“Pas vraiment ! A peine deux heures, je pense.”

Je lui tendis la tasse de thé, qu’il but en trois gorgées. “Je m’en ressers !”, me dit-il en passant à côté de moi. Je frissonnais un peu; je ne sais pas si c’était seulement à cause de la température de la pièce, qui n’était pas bien élevée, ou si c’était la présence d’un homme dans ma cuisine, un homme que j’appréciais toujours beaucoup.

“Je t’en verse encore une tasse ?”, me demanda-t-il. “Oui oui !”, lui répondis-je immédiatement.

“Tu as l’air d’avoir vraiment froid, toi !”, me dit-il. “Tu devrais refaire du thé, mais chaud. Tu veux que je le fasse ?” “Non, laisse !”, lui-dis-je, “je le fais !” Je lui tournai le dos pour remplir la casserole d’eau, que je mis à bouillir sur ma cuisinière. Je sentais son regard sur moi; puis, je me retournai et le bouscula légèrement. Il venait chercher du sucre, qui était juste à côté de ma cuisinière. “Oh, excuse-moi !”, lui dis-je. Mais je me retrouvai, presque malgré moi, tout contre lui, dans la pénombre. Je sentis ses bras remonter à ma taille. Il me dit : “Mais ce n’est rien !” Un frisson me parcourut. Je sentais l’odeur de sa peau, que j’avais si bien connue il y a quelques années.

Il commença à me serrer un peu plus fort contre lui, avec ses puissants bras musclés. “Non, Serge !”, lui dis-je, “je crois que l’on va faire une bêtise !” “Comment, ça, tu n’as pas envie ?”, ajouta-t-il.

«Ce n’est pas la question !”, lui dis-je. “Si, c’est la question !”, me répondit-il. “Tu n’as personne dans ta vie, moi non plus, et tu es encore plus belle qu’il y a quelques années !” “Merci !”, lui répondis-je. Mais je n’eus pas le temps de finir ma phrase que je sentis sa bouche se coller à la mienne, puis, sa langue qui cherchait la mienne, la trouva, car j’avais très envie de m’abandonner dans ses bras.

Je sentis ses mains descendre sur mes hanches et aller cueillir mes fesses bien rondes, mais musclées. Il commença à les masser. Mes jambes tremblaient d’émotion et à cause des frissons qu’il me procurait. Puis, il me souleva de terre et m’assit en face de lui sur le bar de ma cuisine …

Après n’avoir connu que les fruits de mon imagination pendant quelques mois, sentir Serge me pénétrer lentement, tout en me léchant les seins, me fit me rendre compte que je retrouvais un plaisir que je n’avais plus connu depuis très longtemps. Nous fîmes l’amour pendant de longues minutes, jusqu’à ce que mon corps me donne l’impression de s’enflammer littéralement. Je ne ressentais plus du tout le froid de la pièce où nous étions; j’eus l’impression, après ce puissant orgasme, de revenir d’un monde parallèle. Juste après, la froidure environnante commença à remplacer la chaleur qui était en moi. On alla vite se prendre une douche avec le peu d’eau chaude qu’il restait et je finis la nuit, avec lui, dans mon lit, avec quatre couvertures en plus du duvet pour maintenir un semblant de chaleur.

On se réveilla à sept heures trente. Je me levai rapidement. Serge, encore à moitié endormi, n’avait visiblement pas trop envie de bouger. Il me demanda s’il neigeait toujours. Je lui répondis que oui, mais que l’électricité était revenue, visiblement depuis peu de temps, car la maison était encore fraîche. Je regardai le thermomètre. Il indiquait un petit seize degrés, mais il n’y avait plus qu’à espérer qu’il n’y aurait pas de nouvelles coupures.

Je m’habillai rapidement, regardai dehors et vit que les chasse-neige faisaient tout pour essayer de dégager les routes. Le problème, c’est que je devais bien avoir quatre-vingts centimètres de neige devant mon garage, avec la masse de neige provenant directement du dégagement de la route de notre quartier. Un bon moment en perspective quand il faudra tout dégager, me dis-je.

Serge s’était levé. Immédiatement, je lui dis que nous avions certainement fait une erreur cette nuit, car je n’envisageais pas de m’engager dans une relation suivie et je ne voulais pas que cette relation d’une nuit interfère dans notre amitié, encore moins dans notre relation professionnelle.

Immédiatement, Serge me rassura en me disant qu’il respecterait ma décision, que rien ne changerait entre nous, mais que, pour lui, cette nuit, ce que nous avions vécu, ce n’était pas une erreur.

“Bon”, lui dis-je, “alors n’en parlons plus; et tu veux un café, avec des œufs, du lard, parce que, tu sais, il va falloir peller si tu veux repartir de chez moi !”, lui dis-je en riant.

On prit un bon petit déjeuner et on sortit pour dégager l’avant de mon garage afin de libérer nos deux voitures. Après quinze minutes d’effort, on réussit à enlever toute la neige qui obstruait la sortie de mon garage et de mon parking.

On rentra se réchauffer, puis, après une bonne tasse de café, on sortit nos agendas électroniques pour convenir de notre premier rendez-vous pour la filature de Roger. On le fixa au lundi de la semaine suivante, à seize heures trente, heure à laquelle, en général, les professeurs sortent de l’école.

Après m’avoir tendrement embrassée, mais sur la joue, Serge partit, non sans peine, avec sa voiture, car, bien que nous ayons enlevé beaucoup de neige, il restait encore plus de quatre centimètres sur le sol, devant mon garage, avec une énorme plaque de glace juste au-dessous.

Et si ce qui paraissait évident ne l’était pas autant que ça ?

Je décidai de reporter tous mes rendez-vous et de rester à la maison. J’en profitai pour téléphoner à Martine, qui me dit qu’elle aussi resterait chez elle toute la journée.

“Il semblerait que Pietro soit bien décidé à s’installer pour un bon moment dans notre ville”, me dit-elle, “car on a rendez-vous chez le notaire pour une maison que je lui ai trouvée, une magnifique demeure pour deux cent quatre-vingt mille dollars, et qui valait plus de quatre cent soixante mille dollars avant la crise des subprimes.”

“Waw, tu vas te faire une jolie commission ! Bravo !”, dis-je à Martine. “Oui”, me dit-elle, “et en plus, il veut m’inviter pour un weekend à la montagne, dans un hôtel cinq étoiles, une pure merveille !” “Tu sais”, me dit Martine, “je crois que j’ai envie d’avoir une relation suivie avec Pietro. Je me sens vraiment bien avec lui et il me respecte énormément. Et au fait, il m’a parlé de tes parents car je lui ai posé la question s’il les connaissait. Il a été étonné, mais m’a immédiatement répondu que, très rapidement, ils étaient devenus amis. Puis il m’a demandé depuis quand on se connaissait, ce que tu faisais dans la vie, mais je n’ai parlé que de ton activité dans l’immobilier, je ne lui ai rien dit de tes intentions de devenir détective.”

“Tu as raison”, lui dis-je, “pour le moment, je tiens à rester officiellement agent immobilier, car cette ville est petite et tant que personne ne saura que je suis également détective, j’aurai l’avantage de passer plus facilement inaperçue; on se méfiera moins de moi et on ne me suspectera pas d’enquêter sur les gens d’ici chaque fois que je sors.”

Martine rit de bon cœur suite à ma réflexion, mais confirma qu’en effet, je serais plus tranquille en continuant de faire croire que je ne suis qu’agent immobilier.

Je lui annonçai que notre enquête avec Serge, sur Roger, commencerait la semaine suivante.

Je sentis qu’elle était un peu en soucis et je la rassurai en lui disant que je ne serais jamais seule, que Serge mènerait l’enquête tout en m’enseignant les bases du métier.

Juste après mon téléphone avec Martine, je repris mon cours et décidai de prendre un peu d’avance avec la théorie, car, avec l’enquête sur le terrain, qui commencerait la semaine suivante, j’aurais nettement moins de temps pour étudier.

Un peu plus tard, je reçus un coup de téléphone de ma mère, qui s’inquiétait à cause de la tempête. Je la rassurai en lui disant que je resterais chez moi toute la journée et que je me ferais livrer à manger. Elle me dit également que Pietro avait téléphoné chez eux pour dire qu’il allait acheter un maison en ville et tous nous inviter chez lui pour l’inauguration; “car il a appris que tu connaissais bien Martine et il semble très attaché à elle”, me dit-elle.

Tout en raccrochant le téléphone, je me dis que j’aimerais bien en savoir un peu plus sur Pietro; car, en fin de compte, on ne sait pas grand-chose à son sujet, sauf qu’il a visiblement beaucoup de moyens financiers.

Puis, je replongeai dans l’étude de mon cours pendant environ trente minutes avant de me commander des fallafels. J’avais envie de nourriture orientale et j’avais la chance d’avoir un restaurant, qui livre à domicile, à quelques minutes de chez moi. Ils me promirent de faire le maximum pour me livrer pour midi, car, évidemment, ce n’était pas facile pour eux de livrer dans ces conditions.

Je regardai dehors et je vis que la neige commençait à tomber de façon moins régulière. Je mis les news et, selon les informations, le gros de la tempête était passé et certainement que, cet après-midi, la neige cesserait de tomber.

Je passai une partie de mon après-midi à enlever les tas de neige autour de mon garage et à étudier, tout en pensant parfois à cette folle nuit que j’avais passée avec Serge. Je me dis que je devrais bientôt prendre du temps pour moi et me trouver un homme qui cherche une relation stable, comme moi, car les aventures d’un jour, ça me satisfait sur le moment, mais ne me convient pas vraiment. Ce n’est pas vraiment dans ma nature, mais bon, avec Serge, c’est différent; c’est plus compliqué et justement, je ne veux pas que ça le soit; je veux l’avoir comme ami, seulement comme ami; ça, au moins, ce n’est pas compliqué, me dis-je; il suffit de s’y tenir.

En fin de journée, la neige cessa complètement de tomber. J’en profitai pour aller en ville, faire des commissions; et là, au rayon alimentation, je vis, un peu plus loin, une femme, une jeune femme, que j’avais l’impression de connaître, mais je réfléchissais … voyons, où l’avais-je déjà vue ?

Après deux ou trois minutes de réflexion, ça me revint. Oui, c’est Isabelle, la fille du maire. Je l’avais vue une fois avec Serge, mais l’homme qui parlait avec elle, je le connaissais aussi. Mais, c’est incroyable … ! C’est Pietro ! Il est en train de discuter avec elle tout en achetant du fromage. Là, je n’en reviens pas ! Alors, comme ça, cet homme, à peine arrivé à Biddeford, a fait connaissance avec mes parents, avec Martine, et visiblement aussi avec la fille du maire ! Je regardai encore dans leur direction. Je le vis lui remettre sa carte d’affaires et la saluer. Pourquoi lui avoir remis sa carte d’affaires ? Il est à la retraite, me semble-t-il, ou alors, il voulait simplement lui laisser ses coordonnées, mais pourquoi ?

Ça m’intriguait et je me dis que je devrais en parler à Serge; car peut-être qu’il voyait toujours Isabelle, qu’il pourrait savoir ce que Pietro voulait et si elle le connaissait bien ou pas.

En attendant, je finis mes courses tranquillement, afin de ne pas croiser Pietro à la caisse, car je n’avais aucune envie de lui parler. Quant à Isabelle, je pense qu’elle ne devait pas se souvenir de moi, ne m’ayant vue qu’une fois. Pour ma part, je voyais régulièrement sa photo dans les journaux; on parlait d’elle en tant que fille du maire. Quelques journalistes s’intéressaient à elle et ne cherchaient qu’une chose : savoir avec qui elle sortait. Ils voulaient savoir ce qu’elle faisait et quels détails croustillants ils pourraient bien écrire à son sujet.

Je réfléchissais au sujet de la mort de Tania et, tout à coup, je me dis que c’était tout de même étrange, cette façon de procéder : empoisonner quelqu’un au sélénium, c’est lent et pas certain que la personne finisse spécialement par en mourir. Je me renseignai un peu sur internet concernant le sélénium et, tout à coup, je lus quelque chose d’intéressant. Je téléphonai immédiatement à Martine. Heureusement, elle était disponible. “Martine, je dois absolument savoir quelque chose te concernant ! As-tu des allergies ou autres maladies dont tu connaissais l’existence quand tu vivais avec Roger ?”, lui demandai-je.

“Non, Ellya”, me répondit-elle, “rien du tout, ou, attends, oui, j’oubliais que j’avais été diagnostiquée positive au diabète à cette époque, donc oui, le diabète.”

“C’est exactement ce que je pensais : Roger t’a donné du sélénium parce que, pris en trop grande dose, il peut provoquer ou aggraver très fortement le diabète et cela peut être fatal; mais c’est très malin, car si la personne meurt du diabète, on ne va pas aller chercher plus loin.”

“Tu as raison !”, me dit-elle, “ça me fait froid dans le dos ! Je n’y avais pas pensé !”

“Martine, je te rappelle, je veux juste appeler la mère de Tania afin de savoir si elle souffrait du diabète, elle aussi.”

“Oui, je comprends. Et surtout, tiens-moi au courant ! Bye, Ellya !”

J’appelai immédiatement la mère de Tania et celle-ci fut comme heureuse de m’entendre. Elle répondit immédiatement à ma question, par la négative : “Non, Tania ne souffrait pas du diabète.” Je discutai encore un moment avec elle, puis lui promis de venir boire le thé chez elle, un de ces prochains jours.

Je réfléchis un peu. Quand Roger a voulu nuire à Martine, il a utilisé le sélénium parce que, chez une personne diabétique, pris à forte dose, régulièrement, cela va de toute façon provoquer une dégradation de sa santé, pouvant être fatale dans bien des cas. En plus, c’est difficilement repérable. Mais d’un autre côté, si Roger avait le profil d’un psychopathe, d’un criminel, il n’aurait pas avoué aussi vite son délit, sa tentative d’empoisonnement, non; car personne n’aurait pu prouver que c’était lui, en tout cas pas formellement; mais, dans les faits, il a immédiatement craqué et avoué.

Par conséquent, comment une personne intelligente aurait-elle pu reproduire quelques années plus tard le même scénario sur sa fille ?

En plus, on n’a pas retrouvé de grandes quantités de sélénium dans le corps de Tania et elle ne souffrait pas de diabète. Je me demandai tout à coup si les apparences n’étaient pas trompeuses et je me dis que croire que le père de Tania était le tueur, ça ne serait qu’un raccourci un peu facile !

Ensuite, il y a la lettre de Tania. Elle m’a écrit, oui, elle a eu quelques soupçons au sujet de son père, en effet, me dis-je, mais avait-elle le moindre début de preuve ?

Les circonstances à nouveau semblaient incriminer son père; mais, d’un autre côté, elle allait voir le médecin plusieurs fois par mois, et pas qu’un, et jamais, malgré tous les contrôles et analyses, ils n’ont pu définir de quoi elle souffrait. Par conséquent, rien ne dit que son père est impliqué et rien ne dit que tout viendrait de l’absorption de sélénium, car, si ce dernier est utilisé à des fins criminelles sur une personne qui n’a pas d’allergies particulières, pas de diabète, ça peut durer des années jusqu’à ce qu’il se produise quelque chose; et, en général, quand on veut éliminer quelqu’un, on n’a pas envie que ça prenne des années !

Tout ça me paraissait de moins en moins clair et évident.

Mais, ce qui me faisait réfléchir, c’est comment un homme, qui a avoué très rapidement avoir voulu tuer sa femme, comment ce même homme aurait le courage d’empoisonner lentement sa fille ?

Mon sixième sens me disait que Tania n’était pas morte de mort naturelle, mais, en même temps, plus je réfléchissais et plus j’avais l’impression de mon tromper en croyant que c’était le père de Tania qui était responsable de sa mort.

Ensuite, quel lien, quel relation Roger avait-il avec la femme du maire ?

Certainement aucun, pourtant les deux morts étaient survenues à quelques semaines d’intervalle et dans les mêmes circonstances, avec, comme conclusion pour les deux, que la mort était d’origine inconnue. Je restais persuadée que ce n’était pas un hasard si les deux personnes décédées devaient avoir été en contact avec une personne commune, mais ça ne pouvait pas être Roger; ils n’ont pas du tout le même rang social, les mêmes amis, et même Isabelle, la fille du maire, n’a jamais eu affaire à Roger. Elle a suivi des écoles privées et n’a donc jamais été en contact avec lui, à mon avis. Il faudra que j’en parle à Serge … et je me dis que je devrais l’appeler tout de suite pour que l’on se voie avant de commencer la filature.

Serge me répondit à la dixième sonnerie. “Excuse-moi, Serge, je te dérange ?” “Non”, me répondit-il, “j’étais juste en train d’ouvrir et d’entrer dans ma voiture, car il y a trop de bruit dans cette rue où je suis. Les camions viennent chercher la neige. Alors, comment ça va, Ellya ?”

“Bien, très bien même, merci ! J’aimerais te voir ou te parler au sujet de Roger, de la filature et de l’enquête en général.” Immédiatement, il me coupa presque la parole en me disant : “c’est exactement ce que je voulais te proposer, car j’ai bien réfléchi aussi et j’allais également t’appeler pour te faire part de mes réflexions. Tu aurais le temps de venir boire quelque chose et de discuter, maintenant ?”

“Oui”, lui répondis-je, “j’ai en effet un peu de temps. On se retrouve dans quinze minutes, si tu veux, au Café Sublime, c’est bien centré !”

“Très bien, excellente idée ! A tout de suite, et bisous, Ellya !”

Après avoir trouvé une place de parc juste à côté du bar à café, je me rendis rapidement à l’intérieur, car, avec le vent, l’effet du froid ressenti piquait la peau. Il devait bien faire dix-neuf degrés sous zéro.

Serge était déjà là. Tout de suite, il me dit : “alors, comme ça, on a eu ce que l’on appelle une transmission de pensée ! On a tous les deux, presque en même temps, fait la même réflexion !”

“Je ne sais pas”, dis-je à Serge, “mais, pour ma part, voilà à quoi j’ai pensé”. Je commençai à tout expliquer et, tout en parlant, je le voyais sourire. Puis, il me coupa la parole et me dit : “si tu veux, je peux finir et tu me diras si c’est également ta conclusion.” Et, en effet, je le laissai conclure à ma place, ce qui confirma que nous étions bien sur la même longueur d’ondes, comme le dit l’expression.

“Je pense également”, me dit Serge, “que l’on peut laisser tomber la filature, car Roger n’a pas vraiment le profil du tueur et encore moins du tueur en série.”

“C’est certainement un être terriblement égoïste, qui a tenté de nuire ou de tuer Martine, selon ses propos.” Puis, il fit une pause.

“Quoi !”, lui dis-je, “je ne comprends pas ce que tu veux dire, Serge ! T’es bien mystérieux !”

“Je veux dire qu’à part Martine, on n’a rien qui pourrait nous faire penser que Roger a un passé de criminel, ni le profil d’un criminel; je veux dire que tous nos soupçons se sont tournés vers Roger à cause de ce que Martine a dit à son sujet et, également, je l’avoue, suite à la lettre de Tania. Mais rien, strictement rien n’est prouvé et peut-être même prouvable.”

“Et, comme tu dis très justement, Ellya, je pense comme toi; la mort de Tania et celle de la femme du maire sont liées, j’en suis persuadé, mais je ne vois pas comment Roger pourrait être celui qui les a tuées toutes les deux; car, figure-toi que j’ai déjà mené ma petite enquête, et là, il va falloir que tu restes assise, bien assise !”

“Tu m’intrigues, Serge ! Vas-y, dis-moi !” “Et bien”, me dit-il, “selon mon enquête, Roger ne connaissait pas la femme du maire, ça c’est le premier point.”

“Et le deuxième ?”, lui demandai-je.

“Le deuxième ne va pas te faire plaisir, car, j’ai demandé à mon ami Claude, tu sais l’inspecteur de …” “Oui”, lui dis-je, en lui coupant la parole, “eh bien, que lui as-tu demandé, Serge ?”

“Je lui ai demandé de me sortir le rapport de police concernant la tentative d’empoisonnement de Martine par Roger, car si elle a retiré sa plainte et que, par conséquent, aucun procès n’a eu lieu, le rapport de police, lui, pouvait nous donner des informations capitales.” “Oui, en effet”, lui dis-je.

“Et alors, que dit-il ce rapport ? Tu as pu le lire ?”, lui demandais-je.

“C’est là qu’il y a un petit problème, car Claude m’a affirmé qu’il n’y avait aucun rapport, ni aucune trace de ce qu’affirme Martine.”

“Quoi ?”, lui dis-je. “Répète-moi ça, je n’ai pas bien compris …”

“Oui, tu as parfaitement compris, Ellya !”, me dit-il, “aucune trace de ce qu’elle raconte ! Mais j’ai été plus loin. J’ai demandé à Claude de me dire si le responsable de service de l’époque travaillait toujours. Il m’a dit que oui et, bien évidemment, on lui a demandé s’il se rappelait un tel évènement, si cette histoire lui disait quelque chose. Eh bien, non, rien du tout !”

“Et, franchement, un homme qui essaie de tuer sa femme en l’empoisonnant, il me semble que l’on s’en souvient, surtout que ce n’est jamais arrivé à Biddeford !”

“En effet”, lui dis-je. “Mais alors, que cela signifie-t-il ?”

Immédiatement, Serge me dit : “premièrement, aucune preuve ne pourra être trouvée contre Roger, puisque l’on peut être sûr, presque à cent pour-cent, qu’il n’a rien fait; mais, surtout, on peut se demander pourquoi on a cherché à diriger les soupçons sur lui, et quand je dis “on”, je devrais dire Martine.”

J’étais assise là, en face de Serge, et j’avais l’impression qu’une partie de mon monde s’effondrait, car Martine était devenue une très bonne amie, que je voyais souvent, et plein de questions me passaient dans la tête : comment pouvait-elle me mentir au sujet de Roger et, surtout, dans quel intérêt ?

Je ne voyais pas.

“En tout cas”, me dit Serge, “tes déductions, sans que tu ne saches encore tout ce que je viens de te révéler, étaient fondées et très pertinentes. Tu as un excellent instinct, Ellya ! Tu sais, je suis admiratif, car, en effet, n’importe qui aurait pu croire à cette histoire, mais toi, qui désires devenir détective et qui a un flair déjà bien présent, tu ne pouvais pas croire, après réflexion, à la véracité de ce que l’on essayait de te faire croire. En outre, personne ne pouvait savoir que tu voulais devenir détective et que tu en ferais une affaire personnelle !”

“Oui, tu as raison, Serge; d’ailleurs même moi, je l’ignorais. C’est la mort de Tania et ma subite remise en question professionnelle qui a provoqué cette nouvelle passion; et ça commence fort, visiblement, avec cette affaire !”

“Ok, mais alors, on fait quoi ?”, demandai-je à Serge.

“Je pense que tu dois définir ta position par rapport à Martine. Veux-tu tout de suite lui demander des explications ou désires-tu avoir l’attitude d’une détective, par conséquent, considérer Martine, non plus comme une amie, mais comme une personne à manier de façon à voir où elle veut en venir ? Quitte à ce qu’elle redevienne une amie, mais plus tard, une fois que tu sauras précisément quel est son rôle dans tout ça !”

“Oui, je crois que tu as raison”, lui dis-je. “Je veux savoir pourquoi elle m’a menti. Je ne vais donc pas lui faire savoir ce que je sais à son sujet, mais bien continuer à jouer son jeu afin de savoir jusqu’où elle est capable d’aller.”

Serge me dit qu’il devait revoir Isabelle pour lui poser quelques questions et il me proposa de l’accompagner. Ça serait ce vendredi à dix-sept heures, à son bureau. Je lui confirmai ma présence et on décida de se voir à seize heures trente afin de regarder ensemble quelles questions et quelles stratégies on voulait mettre au point pour faire avancer notre enquête. J’étais vraiment excitée à l’idée de commencer une vraie enquête, une enquête officielle, avec une cliente qui nous mandatait, -enfin, je dis “nous”, mais pour le moment, c’est plutôt Serge-, afin de trouver des réponses et d’élucider le mystère de la mort de sa mère.

Mon impression était qu’en cherchant à élucider le mystère de la mort de la femme du maire, cela permettrait certainement d’avoir des éléments probants pour mieux comprendre la mort de Tania, car le sentiment que les deux affaires étaient liées devenait pour moi une véritable certitude, que je ne pouvais tout simplement pas encore prouver.

Je profitai d’inviter mes parents pour ce dimanche, car, étant souvent en vacances, j’avais envie de les voir plus souvent quand ils étaient à Biddeford.

J’appelai ma mère depuis mon Smartphone et elle accepta avec plaisir l’invitation, non sans avoir au préalable posé la question à mon père, mon père, qui, visiblement, était également très heureux de venir me rendre visite.

Serge m’accueille et m’intègre dans son agence

En ce début de soirée, en passant devant un salon de coiffure très joliment décoré, je me dis que je changerais bien de coupe de cheveux. En fait, j’avais toujours eu les cheveux assez longs et, pour ce nouveau départ, pour commencer ma nouvelle vie professionnelle, j’avais envie de porter des cheveux plus courts; pas trop, mais juste un peu et, surtout, j’avais envie de voir ce que la coiffeuse avait à me proposer.

Voyant que le salon était presque vide, je me dis que j’avais une chance de pouvoir être prise rapidement. Et, en effet, moins de cinq minutes après y avoir pensé, j’étais assise dans un confortable fauteuil, avec la coiffeuse à mes côtés, qui me proposait différentes coupes de cheveux adaptées à la physionomie de mon visage. J’en trouvai une qui me plut immédiatement, une coupe mi-longue, légèrement ondulée, avec quelques mèches décolorées.

Je passai un bon moment. La coiffeuse, que je n’avais jamais vue, était très sympathique. On discuta de tout et de rien, comme toujours chez le coiffeur; puis, environ une heure plus tard, je pus constater le résultat dans le miroir. Sous tous les angles, c’était vraiment réussi et je félicitai la coiffeuse en lui laissant également un généreux pourboire.

Celle-ci me laissa sa carte d’affaires, avec son prénom inscrit en gros au milieu : Sandrine. “Eh bien, merci Sandrine !”, lui dis-je, “et je ne manquerai pas de faire appel à vous lors de ma prochaine visite à votre salon.” Celle-ci me remercia et je quittai le salon de coiffure enchantée. J’avais l’impression que tout le monde me regardait, mais, heureusement, ce n’était qu’une impression.

En arrivant chez moi, alors que je commençai à déballer certaines affaires que j’avais achetées au centre commercial afin de préparer mon souper, je repensai tout à coup à Isabelle. Oui, c’est vrai, je l’ai vue là-bas et elle parlait bien avec Pietro, qui, visiblement l’avait abordée. Il faudra absolument que j’en parle à Serge et, afin de ne pas oublier, j’écris une note dans mon agenda électronique, afin que l’on puisse poser une ou deux questions à Isabelle quand on la verrait ce vendredi.

Puis, je commençai à préparer mon souper, tout en écoutant les news à la télévision. Elles ne parlaient que de la tempête qui s’était abattue dans notre région et de toutes ses conséquences, coupures d’électricité, accidents, et il y avait beaucoup à dire. Les reportages et les images chocs défilaient sur l’écran, mais je ne les regardais que d’un œil, car je ne voulais pas rater mon souper.

J’étais sur le point de terminer mon souper, quand le téléphone sonna. C’était Martine. Elle voulait prendre des nouvelles. Je commençai par m’excuser auprès d’elle de ne pas l’avoir rappelée, car, c’était vrai que je lui avais dit que je l’appellerais pour l’informer au sujet d’un éventuel diabète que Tania aurait eu. Je n’aimais pas trop cette situation dans laquelle j’étais avec Martine, mais il fallait bien jouer le jeu, si je voulais connaître celui de Martine à mon égard.

Je lui donnai l’information véritable au sujet de Tania et lui dis qu’elle n’avait pas de diabète.

Je fis exprès de lui dire que la thèse d’un empoisonnement similaire au sien, au sélénium, devenait moins probable, car, en plus, il n’avait pas été constaté de quantité anormalement élevée de sélénium chez Tania.

Je sentis un certain malaise chez Martine, qui, prise au dépourvu, ne savait pas trop quoi me répondre et qui finit par me dire que, peut-être, la mère de Tania ignorait si elle avait du diabète ou non, que peut-être même Tania elle-même l’ignorait.

Je dois dire que d’entendre Martine essayer de me convaincre de continuer à croire que Roger avait essayé d’empoisonner sa fille commençait à m’amuser un peu; alors, pour la provoquer un peu plus, je lui dis : “Oui, peut-être, simplement, ce qui m’étonne, c’est qu’avec tous les examens qu’ont fait les médecins sur Tania, si elle avait eu du diabète, ils l’auraient trouvé.” Puis, j’appuyai encore un peu plus mon argument en concluant par un : “tu ne penses pas Martine ?”

Je la sentis vraiment embarrassée et, ne voulant pas lui faire perdre la face, je continuai en lui disant que, certainement, Roger l’avait empoisonnée, mais avec une méthode différente que sur elle. Et, immédiatement, j’entendis Martine me répondre : “Oui, ça doit être ça !”

Puis, on termina notre conversation après qu’elle m’eut informée qu’elle partait en weekend avec Pietro, en amoureux, et qu’elle était impatiente que la fin de semaine arrive.

Ne pouvant me retenir, je lui dis : “Oui, et comme ça, cela te permettra de connaître un peu mieux Pietro !”

Elle me répondit qu’en effet, ça serait la bonne occasion d’apprendre à mieux le connaître.

Je lui souhaitai, pour la forme, un agréable weekend et me dis, tout en raccrochant : mais quel culot elle a !

Je me dis qu’elle était vraiment douée pour jouer un rôle comme ça, une vraie comédienne, mais j’étais très fière de moi, parce que je l’avais bien manipulée à mon tour. Elle ne pouvait pas se douter de tout ce que je savais et je pourrais en profiter afin de connaître l’ampleur de la machination; car, visiblement, il y avait tout un plan et plusieurs personnes impliquées. Mieux valait donc que je sois sur mes gardes, que je joue, moi aussi, comme il se doit, ma partie, à plus forte raison si, peut-être et même certainement, ça n’était pas sans danger. Il y avait déjà eu deux morts, deux morts parfaitement bien orchestrées, puisque même les médecins ne pouvaient déterminer avec certitude la cause de ces décès.

J’étudiais tous les jours, pendant environ trois à quatre heures, mon cours de détective. J’avançais, en fait, assez rapidement et serais bientôt prête pour aller à Portland faire mes deux premiers jours de séminaire au siège de l’école.

J’avais la chance d’avoir une certaine clientèle et réputation dans l’immobilier, ce qui me permit, pendant toute cette période d’étude et de transition professionnelle, bien que travaillant à mi-temps, de pouvoir gagner confortablement ma vie, tout en n’ayant pas l’esprit trop occupé. Cela me laissait ainsi tout le temps de me concentrer sur mes études.

La fin de semaine arriva rapidement. Je fis tous les préparatifs pour ce dimanche, afin de recevoir mes parents correctement; je veux dire par là, d’organiser un bon repas, de prévoir le vin pour l’accompagner, car ce sont de fins gourmets et j’aime bien leur faire plaisir en cuisinant pour eux.

Puis, comme convenu, je me rendis ce vendredi, à seize heures trente, au bureau de Serge.

C’était un bureau pas très grand, mais bien aménagé, avec deux bureaux, deux ordinateurs, un petit comptoir pour la réception et, dans une petite pièce à part, une grande table pour recevoir plusieurs personnes ou faire des entretiens en privé.

Serge m’accueillit chaleureusement. Je vis que ça lui faisait plaisir, non seulement de m’accueillir au bureau, mais aussi que nous fassions maintenant équipe tous les deux, car, immédiatement, il me dit, au sujet du deuxième bureau : “voilà, c’est le tien, tu viens quand tu veux !”

Je dois dire que cela m’émut beaucoup. Je voyais que, sincèrement, il était heureux de m’accueillir comme collègue. Je le lui fis savoir, au moyen d’un grand sourire et d’un tendre baiser sur la joue, car je le trouvais vraiment craquant dans ces moments-là; mais je voulais absolument le considérer comme un collègue de travail et pas plus.

On s’assit chacun à son bureau et il commença à me donner quelques informations qu’il avait sur la famille Tanner, c’est-à-dire pas grand-chose.

“En fait”, me dit-il, “la fille Tanner m’a contacté parce qu’elle me connaissait de l’école obligatoire. On a fréquenté la même classe pendant trois ans et on s’entendait bien. Puis, par la suite, on s’est croisé comme ça, de temps en temps; ensuite elle a appris que j’étais devenu détective, par une amie, je crois, et, vu le drame avec sa mère et les résultats de l’enquête officielle, elle a décidé de prendre contact avec moi.”

“Autrement, je ne connais la famille Tanner que par la télévision, exclusivement le père, par les reportages et ce que les journalistes veulent bien dire à son sujet.”

“Je veux, par conséquent, en entendre plus à leur sujet par la bouche même d’Isabelle”, ajouta-t-il.

Puis, il continua : “certaines questions pouvant paraître indiscrètes, je me disais que, non seulement, j’avais envie de te présenter immédiatement comme mon associée dans cette enquête, mais, également, j’avais envie que tu lui poses directement certaines questions. Qu’en penses-tu ?”

J’étais enchantée. Serge me donnait la possibilité de participer à une enquête et, mieux encore, de ne pas être simple spectatrice, mais bien de faire partie intégrante de l’enquête en tant que détective. J’étais très heureuse et lui dis que je lui poserais toutes les questions qu’il désirait.

On mit au point une stratégie commune, ainsi que les questions, pendant dix minutes supplémentaires à peine, car Isabelle sonna au bureau avec trois minutes d’avance, soit à seize heures cinquante-sept.

Serge nous convia à nous asseoir dans la petite salle, autour de la table ronde. Isabelle s’assit presque en face de nous et était visiblement pressée de savoir ce que l’on pourrait et envisageait de faire pour élucider la mort tragique de sa mère.

On pouvait voir sur son visage que le décès prématuré de sa mère l’avait marquée et profondément troublée.

Serge prépara trois cafés pendant que je sympathisais avec Isabelle. Elle me parla un peu d’elle, puis j’en profitai pour commencer à lui poser une ou deux questions, comme, par exemple, quel type de relation elle avait eu avec sa mère; elle me dit qu’elles étaient comme deux amies et qu’elles se disaient tout, ou presque, et je la vis rester songeuse.

J’en profitai pour lui demander ce que ce “presque tout” signifiait, si ce n’était pas indiscret, bien sûr !

Elle me dit que non et qu’en fait, elle avait l’impression que, depuis une année environ, sa mère lui cachait quelque chose. “Tout d’abord, elle n’était plus aussi joyeuse que d’habitude”, ajouta-t-elle. Elle dit également qu’elle l’avait toujours connue très positive et vive et que, depuis une année, elle n’était plus aussi heureuse. “Elle avait même l’air triste par moments”, dit-elle. “Je ne l’avais jamais vue comme ça ! Mais elle niait toujours avoir changé et essayait de sauver les apparences. Plusieurs fois, je lui ai demandé si quelque chose n’allait pas, mais jamais elle n’a voulu en parler ou même avouer qu’il y avait un quelconque problème.”

Serge, qui venait de déposer les tasses de café, écoutait avec attention, puis il lui demanda si elle ne se souvenait pas d’un évènement qui se serait produit, il y a une année, et dont elle aurait peut-être sous-estimé l’importance, comme un changement d’habitude chez sa mère ou une nouvelle qu’elle aurait reçue. Il lui posa également la question par rapport à son père, à savoir si quelque chose se serait produit dans la famille, en général.

Puis, tout à coup, Isabelle nous dit : “ah oui, je me souviens d’une chose qui m’avait troublée sur le moment, une dispute, un soir assez tard, entre ma mère et mon père. Cela n’arrivait jamais de les entendre crier, mais là, en effet, il y a eu une grosse dispute.” Et elle précisa encore que cela faisait bien une année environ qu’elle avait eu lieu.

Serge lui demanda alors si elle se souvenait des propos qui avaient été tenus; mais Isabelle répondit par la négative. Elle précisa que sa chambre, qui était à l’étage, était trop éloignée du salon se trouvant au rez-de-chaussée et que, sa porte étant fermée, plus le fait qu’elle était aussi à moitié endormie, elle ne pouvait vraiment pas entendre ce qui se disait. Elle ajouta qu’elle entendait juste des voix et, parfois peut-être, un mot ou deux qui étaient compréhensibles, mais qu’en ce moment, elle ne s’en souvenait plus.

Puis, elle se souvint que son père était parti de la maison pendant environ une semaine et que sa mère avait prétendu qu’il avait dû aller à New York pour régler des affaires. Elle précisa que cela arrivait une ou deux fois par année qu’il y aille sous ce prétexte. Cela ne me parut pas plus étrange que ça.

“Donc, le seul élément concret que nous avons”, résuma Serge, “c’est que, depuis cette dispute avec votre père, votre mère a changé; et vous diriez que cette nouvelle attitude de sa part a duré pendant des mois, jusqu’au jour de son décès ?”

“Oui”, répondit Isabelle. “Il est vrai que je n’avais jamais fait le rapprochement !”

“Et, chez votre père, avez-vous constaté un changement d’attitude depuis cette dispute ?”, demandai-je.

Isabelle réfléchit, puis elle répondit qu’en effet, son père s’absentait plus souvent pour aller à New York; elle ajouta que ça avait commencé immédiatement après la dispute, que ça avait duré environ six mois et qu’ensuite, ses voyages étaient redevenus moins fréquents; selon elle, leur nombre avait retrouvé un rythme normal, soit environ un voyage une fois tous les deux mois au lieu d’une fois toutes les deux à trois semaines.

Je voyais que le fait de parler de sa mère pendant autant de temps était pénible à supporter pour Isabelle, alors je décidai de passer à autre chose. Je lui demandai si le nom de Pietro Ramoni lui disait quelque chose. Elle réfléchit et répondit par la négative. Alors je lui dis que je l’avais vue, de loin, au centre commercial quelques jours auparavant, parler à un homme, qui, apparemment, l’avait abordée; et là, immédiatement, elle me dit que oui, qu’elle s’en souvenait. “Attendez !”, dit-elle, “j’ai encore sa carte d’affaires dans mon sac !” Puis, on la vit, Serge et moi, plonger sa main dans son sac pour y chercher une carte d’affaires, qui était chiffonnée, mais qui était bien celle de Pietro Ramoni.

Isabelle nous expliqua que c’était, en effet, la première fois qu’elle rencontrait ce monsieur et qu’elle n’avait pas retenu son nom, mais que la façon dont il l’avait abordée ainsi que les propos qu’il lui avait tenus avaient été si bizarres qu’elle s’en souvenait très bien.

Elle but un peu de café, puis nous expliqua qu’elle avait laissé tomber un sachet de tomates par terre et que ce monsieur, qui était juste à côté, s’était précipité pour les lui ramasser; elle ajouta qu’il avait plaisanté en lui parlant de pâtes et de sauce tomate; enfin, elle nous dit ne pas se souvenir exactement de ce qu’il avait dit précisément, mais qu’elle avait souri, et peut être même ri, et que c’était à ce moment-là que Pietro s’était présenté et l’avait complimentée sur son sourire, en la charmant un peu.

Elle continua en disant qu’après avoir parlé pendant une petite minute de pâtes et d’Italie, car il était d’origine italienne, il lui avait dit qu’il était nouveau dans la région et qu’il venait d’aménager à Biddeford. Il lui aurait raconté qu’il avait également déménagé jusqu’ici sa société de New York, puis, lui aurait dit, à peu près dans ces termes : “Je cherche une secrétaire, vous ne seriez pas secrétaire par hasard, ou vous ne connaîtriez pas une bonne secrétaire ?”

“Il s’est excusé d’être aussi direct”, dit-elle, “mais comme il était très charmant, cela ne m’a pas trop dérangée et j’ai accepté sa carte d’affaires, en lui disant que, si je pensais à quelqu’un, je lui transmettrais ses coordonnées.”

Elle nous tendit la carte d’affaires que Pietro Ramoni lui avait remise. Il était écrit : GoldInvest Delaware, avec l’adresse d’une succursale à Biddeford et le nom de Pietro Ramoni, sans autres indications de titre ou de fonction.

Nous regardâmes attentivement cette carte d’affaire, Serge et moi, et nous fûmes surpris, car en effet, pour une personne à la retraite, retiré des affaires, c’était étonnant de se promener avec une telle carte et de prétendre avoir besoin d’une secrétaire. Était-ce juste pour se rendre intéressant auprès des jolies femmes qu’il croisait, et une technique pour leur parler, ou était-ce bien vrai ?

Serge continua avec quelques questions pratiques sur les habitudes de sa mère, de son père, et un point ressortit : il y avait eu un changement, non seulement d’état d’esprit, d’humeur, de la part de ses parents, depuis cette fameuse dispute, mais également d’attitude l’un envers l’autres, comme, par exemple, des vacances qui n’étaient plus prises en famille, des repas où ne se réunissait plus que rarement toute la famille, alors qu’avant, c’était une habitude au moins une fois par semaine qu’ils mangent les trois ensemble.

Isabelle nous confirma qu’elle voulait absolument savoir de quoi était morte sa mère et s’il y avait un coupable ou non, et que, quelle que soit la réponse, elle s’était préparée à toute éventualité.

On se regarda avec Serge et on se comprit sans se parler. Puis, Serge régla quelques questions administratives et pratiques avec Isabelle, y compris l’aspect financier.

Puis, je me permis de sortir une photo de Tania et de son père et demandai à Isabelle si ces visages lui disaient quelque chose.

Elle regarda longuement la photo. Elle regardait Tania. Elle dit qu’il lui semblait l’avoir déjà vue, mais qu’elle ne savait plus vraiment où. Elle ajouta que son visage ne lui était pas inconnu. Quant à Roger, là, c’était certain : elle dit qu’elle ne le connaissait pas, que son visage ne lui disait rien du tout.

Isabelle but encore une tasse de café, tout comme nous, puis elle nous quitta vers dix-huit heures dix environ.

Une fois qu’elle fut partie, Serge me dit : “alors, tu en penses quoi ?”

“Je pense comme toi, je crois”, lui répondis-je. “Quand Isabelle a dit qu’elle s’était préparée à toute éventualité, elle ne pouvait que parler de l’implication de son père, sous une forme ou sous une autre, dans la mort de sa mère.”

“C’est également ce que je pense. Elle n’écarte pas cette éventualité, ce qui me fait dire qu’elle ne nous a peut-être pas tout dit.”

“Tu crois vraiment qu’elle nous cache des choses au sujet de son père ?”, demandai-je, sceptique, à Serge.

«Ce n’est pas impossible. Tu sais, c’est la fille du maire de cette ville et on lui a certainement appris à être discrète, à ne parler que du minimum. Et puis, elle se cache peut-être certaines choses à elle-même. Il se peut qu’elle se rende compte que quelque chose est bizarre au niveau de son père, mais qu’elle ne veuille peut-être pas vraiment, consciemment, aller plus loin dans ce sens. Après tout, il est la seule famille qui lui reste !”

Serge en conclut également, tout comme moi d’ailleurs, que Roger était à mettre hors de cause dans la mort de la femme du maire et qu’en plus, si les deux morts étaient réellement liées, ce qui est notre thèse actuelle, alors, il ne pouvait pas être impliqué dans la mort de sa fille, Tania.

Informations étonnantes de la part de mes parents

Je passai le reste de la semaine à étudier et fis visiter deux objets immobiliers. J’avais très envie de recommencer le tennis, car j’éprouvais de moins en moins de plaisir à aller au fitness.

Ne connaissant personne avec qui jouer, je décidai de passer une petite annonce, afin de trouver une partenaire, de préférence, bien que je n’avais rien contre le fait que ce soit un homme également. Ce qui comptait, c’était que ce soit une personne de mon niveau, pour que je puisse réellement m’entraîner à nouveau et avoir du plaisir à jouer. J’avais déjà joué contre des personnes bien plus fortes que moi et ça devenait frustrant de se sentir dominée dans le jeu; et à l’inverse, jouer avec une personne d’un niveau plus faible devenait vite lassant. Je composai donc ma petite annonce en ligne et pris un peu de temps pour vérifier mon matériel.

Ce dimanche matin, je me levai un peu plus tôt, afin de faire le ménage chez moi. Je me dis que j’allais me renseigner pour trouver une de ces fameuses sociétés qui s’occupent de nettoyage à domicile, afin qu’une fois par semaine, ils viennent faire le nécessaire chez moi, car j’avais une sainte horreur de nettoyer. Mais mes parents seraient là vers midi et, ce matin, il fallait absolument que je m’y mette.

Puis, de onze heures à midi, tout en écoutant de la musique provenant des clips vidéo de ma télévision, je préparai un bon repas. Je mis la table et, enfin, vers onze heures cinquante-cinq, tout fut prêt pour recevoir mes parents comme il se doit.

Ils arrivèrent vers midi quinze, très souriants, avec, comme à l’habitude, des fleurs et une bouteille de vin, que j’avais toujours autant de plaisir à recevoir.

On prit l’apéro, tout en discutant de la Floride. Ils me proposèrent de venir y passer des vacances, une fois mon diplôme de détective en poche et pour fêter le début de ma nouvelle carrière.

Je leur expliquai que ce ne serait pas exactement le début de ma nouvelle carrière à ce moment-là, mais que c’était, en fait, maintenant, grâce à Serge, qui m’avait prise comme stagiaire dans son bureau, avec, à la clé, une véritable enquête, que l’on commençait ces jours.

Ils furent enchantés. Immédiatement, ma mère me dit : “Mais tu ne vas pas prendre trop de risques, surtout, car tu n’es pas encore une professionnelle !” Et je la rassurai, en lui expliquant que je ne serais jamais seule, car le but était bien que j’apprenne, mais sur le terrain, en plus de mes cours.

Immédiatement, mon père demanda : “et, alors, cette enquête, c’est un secret ou on peut savoir … ?”

Je fis une telle grimace que mon père s’arrêta net de parler. “Ok”, dit-il, “j’ai compris !”

Ma mère avait pris avec elle une clé USB contenant toutes les photos des vacances et des transformations qu’ils avaient faites dans l’appartement en Floride, car je n’en avais vu qu’une partie quand j’étais allée chez eux, juste après leur retour. Surtout, je lui avais demandé de les amener de façon à pouvoir discrètement voir qui il y aurait sur les photos. Je savais déjà que l’on y voyait Pietro, mais je voulais voir si certaines photos pourraient nous apporter des indications pour notre enquête, qui, évidemment, devait rester secrète pour tout le monde, y compris et surtout pour mes parents; à plus forte raison, parce qu’ils connaissent directement Pietro et que cela pourrait être problématique suivant la tournure que prendrait notre enquête. Donc, dans un premier temps en tout cas, moins ils en sauraient, mieux ce serait.

Je branchai la clé USB dans mon téléviseur et on prit l’apéro, tout en regardant les photos défiler sur l’écran.

Je vis, sur quelques photos, que Pietro était souvent à proximité de deux jeunes hommes. “Qui sont-ils ?”, demandai-je à ma mère.

“Deux jeunes hommes mignons et célibataires !”, me dit-elle en riant.

“Oui, j’ai compris maman, je vois ce que tu veux dire, mais plus sérieusement …!” “Et bien”, me dit-elle en me coupant la parole, “si tu m’as comprise, alors je continue. L’un, à droite, ici, c’est le fils de Pietro. Il s’appelle Antonio. Il est comptable et vit à New York. L’autre, c’est son meilleur ami. Il vit aussi à New York et ils jouent beaucoup au tennis ensemble. Antonio l’a invité en Floride pour les vacances; ils ont joué, je crois, presque tous les jours, au tennis !”

“Oui, et il s’appelle Kevin !”, compléta mon père. “C’est un gars très sympathique !”

“Attends, tu veux dire Kevin Portner ?”, dis-je à mon père.

“Euh, je ne sais pas, en fait …” “Tu sais ce que c’est, son nom de famille ?”, demanda-t-il à ma mère.

“Pas du tout ! Il nous l’a dit, mais je n’ai retenu que son prénom !”

“Attendez !”, dis-je. Et je me précipitai sur les albums de photos de classe. Je sortis celui où j’avais treize ans. “Regardez !”, dis-je, “je suis allée à l’école avec un certain Kevin Portner !” Je leur montrai la photo et dis : “vous ne trouvez pas qu’il lui ressemble beaucoup ?”

Ma mère s’exclama : “mais oui, je me souviens de lui ! Mais c’est ton premier amour !?!”, me dit-elle en souriant. “Et, en fait”, continua-t-elle, “ça doit être lui, car il nous a dit qu’il connaissait bien Biddeford, y ayant vécu jusqu’à l’âge de dix-sept ans, avant de déménager à New York. Mais, attends, ce n’est pas tout ! Il a dit qu’il allait revenir à Biddeford, parce qu’il en avait marre de la grande ville, et qu’il avait été engagé au centre de tennis comme professeur agréé; si j’ai bien compris, il sera également responsable du nouveau centre sportif, qui devrait sortir de terre bientôt !”

“Oui, et, si je ne me trompe pas”, rajouta mon père, “ce serait grâce au père d’Antonio, Pietro, qu’il aurait décroché le poste, car la société de Pietro, semble-t-il, investit beaucoup dans le nouveau centre sportif.”

“Waw !”, fis-je. “Là, il faut que je boive un coup !” Et, tout en buvant une grande gorgée de vin blanc, je m’assis sur un tabouret de bar qui était juste à côté de moi.

“Et bien”, me dis ma mère, “ça te fait encore cet effet-là de revoir Kevin et de savoir qu’il va revenir vivre à Biddeford ?”

“Euh, bien, écoute … ce n’est pas que ça … Mais avec tout ce que vous m’avez dit ces trois dernières minutes ! Cela fait beaucoup à digérer !”

Je repensai à ce premier amour de jeunesse, très fort, au premier baiser au cinéma, devant un film que je n’avais pas beaucoup regardé, et je repensai à tout le reste, ces trois années, à peu près, où Kevin et moi nous voyions tous les jours; puis, un jour, il m’apprend que ses parents vont déménager à New York et qu’il va, bien sûr, les suivre. Il était à la fois effondré à cause de nous deux et heureux pour sa carrière de joueur de tennis. Il pourrait passer au niveau professionnel et également devenir professeur de tennis. C’était son souhait et je venais de voir qu’il allait se réaliser.

“Oh, mais je sens que c’est le moment que je passe à la cuisine !”, dis-je à mes parents, “sinon, on n’aura plus rien à manger !” Je me précipitai vers le four afin de l’éteindre; je préparai les assiettes, un peu machinalement, car j’étais préoccupée par cette avalanche d’informations et de nouvelles que je venais de recevoir.

Mon père ouvrit la bouteille de vin rouge. C’était un vieux Bordeaux. Il le servit dans des verres que j’avais spécialement sortis pour l’occasion, car je savais qu’en général, quand mes parents venaient chez moi, ils amenaient toujours un grand vin français. C’est le vin que mon père choisit toujours quand il veut faire plaisir !

Pendant tout le repas, on discuta des travaux qu’ils avaient faits dans l’appartement de Floride, de la chambre d’ami qui m’attendait, des tracasseries qu’ils avaient eues avec des entreprises locales au moment des travaux; mais, en conclusion, tout cela en valait la peine. L’appartement avait été complètement redécoré et j’avoue qu’il était magnifique.

Mes parents restèrent chez moi jusqu’à quinze heures trente environ, puis ils rentrèrent chez eux, car la neige recommençait à tomber abondamment. J’en profitai pour rentrer ma voiture dans le garage, car j’avais tout, sauf envie, de passer cinq à dix minutes, le lendemain matin, à la déblayer, à plus forte raison, dans un froid polaire.

Nous avions convenu, avec Serge, de nous revoir le lundi suivant, à l’agence, vers dix-sept heures, et je dois dire que j’avais hâte de lui raconter tout ce que j’avais appris au sujet de Pietro et de son fils. Quant à Kevin, là, je me ferais peut-être un peu plus discrète à son sujet, car Serge ignorait tout de cet amour de jeunesse et peut-être que ça serait mieux que ça continue ainsi.

Je pensai à Kevin, tout en buvant une tasse de café. Je réalisai que j’avais vécu ma plus belle histoire d’amour avec lui et que, depuis, aucun homme n’avait réussi à me faire ressentir ce que je ressentais quand j’étais dans ses bras, même pas Serge.

Bien que l’on se vît presque tous les jours, on s’écrivait régulièrement des poèmes ou des secrets, des choses que l’on préférait se communiquer par écrit au lieu d’en parler. Puis, quand Kevin est parti à New York, les six premiers mois, on a continué à s’écrire, plusieurs fois par semaine; mais la distance et le début de la carrière de Kevin, en tant que joueur professionnel, nous a définitivement séparés, ses nombreux tournois à travers les Etats nous empêchant de nous voir.

J’avais gardé toutes ses lettres. Elles étaient dans mon garage, dans un carton, que je n’avais plus jamais osé ouvrir. Je me sentis terriblement tentée de le faire, de replonger dans cette période de ma vie, de ressentir, à nouveau, ce que je ressentais, mais il faudrait ensuite revenir à la réalité et, ça, ce serait plus difficile. Alors, avais-je vraiment envie de replonger dans cette histoire ? Oui, mais je ne voulais pas le faire maintenant. Et, à quoi cela servirait-il, en plus ? Il avait sûrement fait sa vie avec quelqu’un, peut-être avait-t-il des enfants ? Tout était possible !

On est lundi aujourd’hui et, comme très souvent le lundi, j’ai besoin de me motiver à travailler. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’aime pas les lundis ! C’est quinze heures et, dans une heure, je vais à l’agence rejoindre Serge. Je décide donc de m’arrêter boire un verre sur la route, dans un café à proximité de l’agence, un bar sympa avec de la bonne musique, et de travailler un peu sur ma tablette ou, en tout cas, de relever ma boîte courriel.

A seize heures, je me rends au bureau. Serge vient d’arriver également. Il m’embrasse et me dit qu’il a décidé de me laisser une clé du bureau, de façon à ce que je puisse venir, même s’il n’est pas là.

Je le remercie, car je suis très touchée. Il me répond immédiatement que c’est normal. Il me dit que, comme je ne suis pas rétribuée pour mon travail sur l’enquête d’Isabelle, il m’offre, en échange, une structure et une formation pratique, ce que je trouve très généreux de sa part.

On commence à faire le point. Je lui explique ce que j’ai appris concernant Pietro, son fils et cette fameuse société, la Goldinvest.

Serge me dit : “cette fois, on peut définitivement oublier la piste de Roger, le père de Tania ! Ce ne serait que perte de temps et on a bien plus gros, à mon avis !”, me dit Serge. “Cette affaire est énorme ! Elle va avoir des ramifications en dehors de Biddeford et pourrait bien impliquer des personnes très haut placées. Cette affaire va nous donner du travail pendant un bon moment, je le sens. Elle va nous mener de surprise en surprise, car on a, en face de nous, de véritables professionnels du crime, du crime organisé !”

“Tu veux dire, la mafia ?”, lui demandai-je.

“Je crains bien que oui !”, me dit-il.

“Il va falloir, comme on dit, marcher sur des œufs, être terriblement discret et, surtout, en ce qui te concerne, ne pas informer ton entourage de notre enquête !” Je le rassurai immédiatement en lui confirmant que j’avais pressenti l’importance et la dangerosité de cette affaire et que, par conséquent, je n’en avais parlé à personne, encore moins à mes parents, qui, bien malgré eux, me semblaient être entourés de personnes peu recommandables.

Serge continua à m’expliquer, un peu plus en détail, ce qui nous attendait. “Il va falloir que l’on comprenne qui est vraiment Pietro, si c’est un simple retraité ou autre chose. Il faut que l’on sache à quoi sa société sert réellement et quel rôle le maire joue là au-milieu. Nous devons découvrir également pourquoi Pietro et Martine apparaissent dans ta vie, Ellya, et celle de tes parents, juste après la mort de Tania et juste avant ou au moment de la mort de la femme du maire, car, c’est évident, tout est lié !”

“Je vais commencer par m’informer au sujet du maire, pour en savoir plus, car je pense que c’est un acteur important dans cette affaire. J’ai le sentiment qu’il pourrait bien être concerné de près, de très près, même, puisque son ami d’enfance, Riccardo Ricci, est devenu un parrain influant à New York; et, comme par hasard, Pietro vient de New York également; et, toujours par hasard”, me dit-il en souriant, “ce même Pietro choisit Biddeford pour installer sa société ! Puis, on est amené à constater que le maire de Biddeford permet à sa société de commencer des travaux pour créer un centre sportif de plusieurs millions ! Cela veut dire quoi ?”

“On sait que le maire connaît Riccardo; obligatoirement, il doit connaître Pietro, puisque ce dernier représente la société qui investit et va créer le centre sportif. Il l’aura connu pendant toutes les démarches administratives, nécessaires à la GoldInvest, pour pouvoir construire le fameux centre sportif, mais on peut également supposer qu’ils se connaissaient bien avant ça ou que quelqu’un a fait les présentations; et là, cela ne peut être que Riccardo, représentant et parrain de la plus grande famille mafieuse de New York; car, autrement, pourquoi aurait-il choisi Biddeford, si ce n’est parce que Riccardo savait comment manipuler son ami d’enfance, qui n’est autre que le maire de Biddeford, Paul Tanner ? En le manipulant, il pouvait ainsi obtenir ce qu’il voulait et la GoldInvest avait ainsi tout le loisir d’investir et de construire sans entraves, sans tracasseries administratives et sans que l’on pose trop de questions à son sujet !”

“Tout ceci laisse supposer que Pietro connaît peut-être Riccardo ou, mieux, qu’il est éventuellement l’un de ses lieutenants ou l’une de ses personnes de confiance. Il se peut aussi qu’il soit même une des personnes les plus proches de Riccardo, car, finalement, la puissance financière de la GoldInvest ne viendrait-elle pas de Riccardo lui-même ?”

“Waw ! Dis-moi, Serge, t’as vraiment bien résumé le tout !” “Oui”, m’interrompit-il, “mais, maintenant, encore faut-il pouvoir le prouver et, ce qui serait mieux, encore faut-il pouvoir comprendre en quoi la mort de la femme du maire et de Tania sont liées à cette affaire; car, s’il s’avère que ce que je dis est vrai, on parle alors de criminalité financière; mais l’affaire qui nous intéresse avant tout concerne bien un double homicide !”

“C’est vrai, tu as raison Serge ! Mais de toute façon, mon intuition me dit qu’en enquêtant sur cette société et toutes les personnes qui gravitent autour d’elle, on va également comprendre en quoi la femme du maire, et peut-être même Tania, sont concernées directement ou indirectement par l’une ou l’autre, ou plusieurs des personnes que tu as mentionnées. Moi, pour ma part, j’en ai la certitude !”

“Ah !”, me dit-il en souriant, “la fameuse intuition féminine !”

“Tu peux toujours sourire, Serge, on verra bien si je n’ai pas raison !”

“Oh, tu sais, Ellya, je ne parierais pas sur le fait que tu puisses avoir tort, car je pense que tu as certainement raison ! En tous les cas, ça ne m’étonnerait vraiment pas !”

“Alors, comme ça, tu pars à Portland ce weekend, pour y suivre ton cours ! Tu verras, c’est très sympathique et super bien organisé !”, me précisa Serge.

“Oui, j’ai hâte d’y aller ! Et, en plus, avec notre enquête en cours, j’ai vraiment envie de rapidement devenir une détective professionnelle et de pouvoir être une partenaire sur laquelle tu peux compter !”

“Mais, tu sais, Ellya, c’est déjà le cas ! Ne t’en fais pas, tu es déjà bien plus professionnelle que tu ne le crois ! Tu as le bon état d’esprit et également la bonne attitude ! …” Nous fûmes coupés par le téléphone. Serge répondit; puis, une fois qu’il eut terminé, on décida que l’on referait le point juste après mon premier weekend à Portland, pour les cours. En attendant, Serge allait enquêter un peu plus sur le maire.

Je retournai chez moi, ce lundi soir, fatiguée, mais vraiment heureuse; très heureuse professionnellement, mais, d’un autre côté, rentrer dans une maison vide, ne pas arriver à m’enlever de la tête Kevin, ne pas pouvoir ou vouloir en parler à Serge, ne pouvoir, en fait, en parler à personne, tout cela finissait par créer en moi un sentiment très confus; et je me dis que, si je devais croiser Kevin, comme ça, par hasard, à Biddeford, je ne saurais pas vraiment comment me comporter et que j’ignorais aussi ce qui se passerait …

Comment pouvais-je encore être aussi troublée quand je pensais à lui ?

Serais-je toujours amoureuse de lui ? Je n’arrivais pas à le savoir, mais j’étais dans un état très particulier. Je ressentais, à l’intérieur de moi, des impressions bien particulières, voire même des pulsions. J’étais dans un état que je n’avais jamais connu auparavant.

Je me préparai, les yeux brillants, à partir le weekend suivant, pour rejoindre l’école de détective de Portland et assister à mon premier cours, avec, en tête, l’image de Kevin, qui ne me quittait plus.


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